EUFOR : Entretien avec Le colonel Patrice Dumont Saint Priest, chef d'état-major de l'Eufor à Abéché
Le chef d'état-major de l'Eufor à Abéché,
tire un premier bilan de la présence des soldats européens dans l'est du Tchad.
Quel bilan tirez-vous des premiers pas de l'Eufor au Tchad depuis mars?
Colonel Patrice Dumont Saint Priest: Nous sommes encore loin de l'heure des bilans. Mais des premiers résultats, oui. Ceux auxquels l'Eufor a abouti jusqu'ici sont, à mon avis, satisfaisants. En une courte période, nos hommes ont pu apporter beaucoup de sécurité dans la région. Le contexte dans lequel nous sommes arrivés nous a, d'ailleurs, largement facilité la tâche. Contrairement aux premières années du conflit au Darfour, les grandes attaques contre les réfugiés et les villages ont diminué. Les groupes armés qui traversaient la frontière pour sévir contre les populations sont de plus en plus rares. Notre vrai problème est de réadapter nos moyens à la réalité, par exemple face au phénomène des coupeurs de route. Mais cela ne doit pas nous éloigner de notre mission principale qui est celle de protéger les réfugiés et déplacés, ainsi que les humanitaires qui travaillent dans la région.
Des organisations humanitaires sont très méfiantes à l'égard de l'Eufor dont elles refusent même les services pour sécuriser leurs convois quand ils se déplacent...
Au départ, il est vrai que cela était fréquent. Ce n'est plus vraiment le cas. Après avoir compris que nous sommes là juste pour les aider à travailler dans des conditions plus sûres, la plupart des organisations humanitaires sont aujourd'hui satisfaites de notre présence. Tous les jours ou presque, leurs employés viennent nous demander s'ils peuvent être intégrés dans nos convois qui partent ravitailler nos postes avancés ou nos patrouilles dans la région.
Le mandat de l'Eufor se terminant en mars prochain, êtes-vous préparés à quitter le Tchad à cette date?
Il n'y a pas de raison que nous restions un jour de plus que la date limite fixée par le Conseil de sécurité des Nations unies qui a donné mandat à l'Union européenne de déployer des forces dans l'est du Tchad. L'UE et les Nations unies l'ont clairement dit avant de nous envoyer ici. Cela dit, au terme de notre mandat, certains pays européens actuellement présents au sein de l'Eufor pourraient bien maintenir des contingents, mais il est très peu probable que cela soit fait au nom de l'Europe. Nos dirigeants politiques l'ont maintes fois affirmé. S'il est nécessaire de maintenir une force de paix, il existe d'autres formules qui pourraient servir à cela.
Comment les militaires de l'Eufor ont-ils accueilli les critiques formulées par le président Idriss Déby, après la dernière attaque contre la ville de Goz Beida par des rebelles tchadiens venus du Soudan? Il avait accusé l'Eufor de «fermer les yeux» sur les exactions de la rébellion...
Je ne commente pas les propos d'un chef d'Etat, qu'il soit celui d'un pays étranger ou du mien. La seule chose que je sais est que lorsque les rebelles sont entrés à Goz Beida, notre contingent irlandais, basé dans les environs, a immédiatement pris ses dispositions pour sécuriser les populations et les humanitaires, dont ceux qui le voulaient ont été évacués de la ville. Quant à barrer la route aux rebelles, ce n'est pas notre mission. Même un conflit ouvert entre le Tchad est le Soudan ne peut justifier une intervention de notre part. Notre mandat sur ce point est très précis.
Réalisé par Lemine Ould M. Salem du Temps