Radovan Karadzic, psychiatre de
formation, se considérait tout à la fois comme un philosophe, un poète, un homme d'Etat et un héroïque défenseur du peuple serbe. Mais pour les procureurs internationaux et les Bosniaques au nom
desquels ils demandent justice, il était le "boucher de Sarajevo" : un despote et un criminel de guerre responsable des 43
mois de siège de la ville olympique- le plus long imposé à une ville d'Europe au XXe siècle avec 10.000 victimes civiles - et du massacre de Srebrenica, sans précédent sur le continent depuis 1945 avec la mort d'au moins huit mille musulmans victime d'un "nettoyage ethnique" digne des nazis.
Protégé de Milosevic
Né le 19 juin 1945 dans le village de Petnjica au Monténégro, Karadzic a passé son enfance à Niksic, près de la frontière avec la Bosnie. Dès
son plus jeune âge, il écrit des poèmes, un passe-temps qu'il conservera avec la composition de pièces de théâtre ou de musique populaire. Son père, dont il a hérité la ferveur
nationaliste, avait été emprisonné pour avoir participé au mouvement des "Tchetniks" qui avaient combattu aussi bien les nazis que les partisans communistes de Tito pendant la Seconde guerre mondiale.
Ce n'est qu'au début des années 90 qu'il commence sa carrière politique. Il se place dans le sillage de Slobodan
Milosevic, alors homme fort de la Yougoslavie. Mais dans la foulée de la chute du Mur de Berlin, ce pays artificiel
va exploser quand chacune de ses six républiques proclament son indépendance en 1991. Comme Slobodan
Milosevic, Karadzic veut alors promouvoir le rattachement à la Serbie des territoires peuplés de Serbes en Croatie et en
Bosnie, où les Serbes représentent environ 44 % de la population.
"Enfer"
Dans cette optique, secondé par le général Ratko Mladic -toujours en fuite-, appuyé par le Parti
démocratique serbe (SDS) de Milosevic, il crée la ""république" des Serbes de Bosnie, dont il s'autoproclame président après en avoir installé la capitale à Pale, dans la banlieue de
Sarajevo. En 1992, fort de l'aide de la police yougoslave et du
soutien armé de Belgrade, il met en garde la Bosnie contre toute proclamation de souveraineté. Il annonce déjà un "enfer" pour la république bosniaque si elle prend une telle direction, en
soulignant que sa population musulmane risque de "disparaître" parce qu'elle ne "pourra pas se défendre si une guerre éclate".
Pendant trois ans, à la désapprobation de la communauté internationale, il met sa menace à exécution. Les forces de Karadzic contrôlent rapidement plus de 70% de la Bosnie, expulsant ou tuant les Musulmans majoritaires dans de nombreuses villes -au total, les observateurs estiment les victimes à 200.000 et les déplacés à un million.
Lâché par Milosevic
Mais, au fur et à mesure des massacres et notamment de celui de Srebrenica qui fait rejaillir les images des camps de concentration nazis à l'été 1995 devant des soldats de l'Onu impuissants, Radovan Karadzic se retrouve de plus en plus isolé. Slobodan
Milosevic, soucieux de voir lever les sanctions occidentales contre la Yougoslavie, signe en effet en décembre 1995
les accords de paix de Dayton sous l'égide des Etats-Unis, malgré les
protestations du camp Karadzic qui en est tenu à l'écart.
Dans un premier temps, Karadzic obtient néanmoins "sa" république : la Republika Srspka tandis que Croates et musulmans se partagent l'autre moitié du pays qui devient la Fédération croato-musulmane. Mais en juillet 1996, alors que Karadzic vient d'être inculpé par le TPI, Slobodan Milosevic le "lâche" définitivement et il lui interdit de fait d'apparaître en public.
Un livre publié en cavale
Karadzic entre alors dans la clandestinité où il dispose d'un puissant réseau de fidèles -les ultra-nationalistes n'ont d'ailleurs pas tardé lundi soir dès l'annonce de son arrestation.
Entourés de nombreux gardes du corps, il aurait également bénéficié de protection policière et aurait, selon des rumeurs, trouvé à diverses reprises refuge dans des monastères orthodoxes
serbes.
Sa légende d'insaisissable et de "flamboyant" n'a fait que croître au fil des opérations ratées de l'Otan pour l'arrêter alors que le
département d'Etat américain avait promis une récompense de 5 millions de dollars pour toute information pouvant conduire à son interpellation. Pied de nez à ses poursuivants, il publie en
octobre 2004, Les chroniques miraculeuses de la nuit, l'histoire d'un homme emprisonné par erreur, dont 1.200 copies sont vendues au salon du livre de Belgrade.
Le 21 juillet 2008, quasiment douze ans jour pour jour après son entrée en clandestinité, il est capturé. Quelques jours à peine après l'entrée en fonctions à Belgrade d'un nouveau gouvernement
pro-européen qui se devait de l'arrêter et de le livrer au TPI pour accélérer les négociations d'adhésion à l'Union
européenne.