Par Ahmat Hassan
Je trouve que c’est une bonne chose que de se pencher
sur l’enseignement supérieur et de commencer à apporter des solutions concrètes aux problèmes que rencontrent les étudiants
tchadiens. Le centre national des œuvres universitaires est une première réponse qui est à saluer et encourager. Mais, comme on dit que « celui qui a été mordu par le serpent a peur des
traces de la corde » (al adda dabi bakhaf mine madjarral habile), je me dois d’avoir des doutes sur la sincérité et les raisons profondes d’une telle volonté honorable. Quand on
sait qu’un centre des œuvres universitaires signifie forcement des dépenses colossales pour permettre aux étudiants de se loger (à moindres frais avec toilettes, eau et électricités gratuites),
se nourrir (subvention oblige, ce sera de quelle qualité ?), avoir des bourses (ceux qui en seront dépourvus auront quand même le droit d’avoir soit une aide globale en début d’année académique
ou un prêt sur l’honneur remboursable lors de leur prise de service dans une administration quelconque), avoir des équipements sportifs et des centre de recherche (bibliothèques, centres
numériques, cybers…), je me demande si ce n’est un « plateau » comme on dit à N’djamena !!!
En effet, le proverbe l’adage que j’ai cité plus haut se justifie largement à mes yeux. Je vais prendre pour exemple deux
cas bien connus de tous :
1) l’utilisation de la
manne pétrolière pour les secteurs prioritaires
Quelle volonté politique nous disions-nous à l’époque ! Quel ne fut notre surprise de découvrir par la suite que c’était une couverture pour mieux dilapider (pour ne pas utiliser le terme «
détourner », plus adéquat) les fonds alloués à ces secteurs ! Le ministère des infrastructures, absorbe tout ou la majeure partie des fonds à travers ses « collectifs budgétaires » annuels lancés
en seulement avril ! Quel ministère peut exécuter son budget en moins de 4 mois ? des routes, des écoles, des bâtiments et des détournements publics, voilà ce que fait le ministère des
infrastructures ! Les résultats de l’agriculture se sont-ils améliorés depuis que le secteur est dit prioritaire et qu’une partie de l’argent du pétrole lui est destinée ? je pense que chacun de
vous a son idée des résultats de cette politique. On nous rétorquera qu’il y a plus de voies bitumées (qui se fissurent au bout de 2 ans maximum), plus d’écoles et de lycées (sans enseignants des
fois ! la politique de l’enseignement est une réponse planifiée à des besoins ressentis ex : nombre d’élèves entrant en 6ème chaque année, distance séparant le village de l’école la plus proche,
ratio élèves/maître… et non une politique de campagne électorale telle que pratiquée sous nos cieux).
2) la création du ministère
du contrôle général de l’Etat et de la moralisation
Deby a vraiment envie de changer le pays, me suis-je dit ! Mais, j’ai oublié que la « chèvre broute là où elle est attachée ». Qui y nomme-t-on ? des gens qui ont eux même déjà détourné
des deniers publics. Ainsi donc, les tchadiens apprirent tous que les services de l’Etat, les établissements publics de l’Etat et autres organismes et institutions dans lesquels l’Etat tchadien a
des parts sociales, sont « contrôlés » par des agents immoraux ! le résultat est que des menus fretins aient été pris par de grands filets ! Aucun grand n’a été emprisonné et pire deux ethnies
sont exemptées de contrôle : il s’agit bien sûr des Zakhawa et des Goranes. On sait que le ministère grouille d’agent de cette deuxième catégorie, tout comme celui des Infrastructures (disons les
deux ministères « goranisés » au vu et au su de tout le peuple et de l’Etat !). Comble du malheur, les agents immoraux de l’incontrôlable ministère (puisqu’il faut aussi le contrôler !) sont
souvent soudoyés lors de leurs passage dans certains services : un chèque d’une centaine de millions, dit on, les aveugle. D’ailleurs, à N’Djamena, les agents de ce ministère sont appelés des
caïmans : « dès qu’ils arrivent pour un contrôle dans un service, ils ont la gueule ouverte avec des crocs visibles ; si tu n’y jettes pas quelque chose, c’est toi qu’ils bouffent ». Et
comme on sait que les gens n’aiment pas être bouffés, les conclusions du rapport, le sait-on, lavent de tout soupçon des agents connus pour être fonctionnaires depuis quelques années et ont déjà
une fortune qu’ils ne cachent même pas ! Même si on n’a pas de preuves de détournement ou corruption, dans ces cas-là, on applique ce qu’on appelle « cas inquiétant à travers des signes
extérieurs de richesses ».
Alors Monsieur le Ministre, quelle sera la portée de ces réformes ? comme celles déjà engagées et dont j’ai donné deux exemple ayant abouti à des détournements et corruptions généralisées, ou
salutaires pour l’enseignement supérieur dans notre pays en manque de vitesse depuis belles lurettes ?
ahmat.hassan@yahoo.fr