Rejetée par 13 partis d'opposition et raillée par les Darfouris vivant dans les camps de déplacés, l'"Initiative du peuple du Soudan", qui vise à trouver une solution au conflit qui déchire la province de l'ouest du pays depuis 2003, n'a pas réussi à rallier un soutien national.
Seuls le parti de M. Béchir, le Congrès national, et ses partenaires dans la coalition gouvernementale - principalement le Mouvement populaire de libération du Soudan - se sont rangés derrière ce nouveau plan.
Le chef de l'Etat soudanais est accusé par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, de "génocide", "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité" au Darfour.
Les déplacés se demandent comment le gouvernement de Khartoum, partie prenante dans le conflit, peut trouver une solution unilatérale à la guerre civile alors qu'il poursuit ses opérations militaires dans la région.
"Ce n'est qu'après Ocampo que Béchir a commencé à faire de son mieux, mais il n'y a rien de sérieux", estime Alawia Ahmed Mohammed, 26 ans, l'une des personnes déplacées vivant dans le camp d'Abou Chouk, dans les environs d'El-Facher, la capitale du Darfour-nord. "Cette paix dont nous entendons parler, ce n'est pas vrai. C'est un mensonge", ajoute-t-elle. La solution, d'après elle, "c'est que les gens du Darfour fassent la paix" entre eux. Personne parmi les près de 2,5 millions de personnes déplacées par les violences n'a été invité, affirment les habitants du camp.
Ces dernières semaines, l'armée soudanaise a mené des opérations dans les déserts du Darfour-nord. Dans le centre-ville d'El-Facher, des hommes armés en treillis militaire, à bord de pick-up, se fraient un chemin dans la circulation.
Déplorant que le gouvernement ait échoué à impliquer des membres de la société civile, comme des personnes déplacées ou des spécialistes de la question, l'universitaire darfouri Abdoul Jabbar Abdallah Fadel pense qu'un changement de régime est le seul moyen de parvenir à une paix durable au Darfour.
"Avec ce régime, le Soudan ne sera jamais sain. Des négociations de paix traditionnelles n'auraient aucun sens et elles n'auront pas lieu", estime-t-il. "Je doute que Béchir puisse signer un accord". "La CPI (...) ne résoudra pas le problème, mais ira vers un affaiblissement du régime, ce qui aidera à un retrait de ce régime", selon lui.
Beaucoup d'observateurs estiment que la seule manière de surmonter les difficultés est d'augmenter la pression internationale. Mais l'initiative lancée jeudi vient s'ajouter aux nombreux efforts en vue de résoudre le conflit, en particulier ceux menés par la Ligue arabe et l'Union africaine, le Qatar et le médiateur conjoint de l'ONU et de l'UA, Djibril Bassolé.
"Un processus de paix crédible au Darfour ne peut être atteint par de seules négociations entre les rebelles et le gouvernement", affirme sous le couvert de l'anonymat un diplomate de l'ONU au Darfour. "Ils sont trop faibles et manquent trop de légitimité pour soutenir ou appliquer n'importe quel accord qu'ils signeraient. Les rebelles sont trop fragmentés et se transforment en milices tribales. Le gouvernement a commis des atrocités et est donc illégitime", d'après lui.
D'après ce diplomate, le parti au pouvoir sait que son initiative va échouer, mais elle fait partie d'une offensive de charme lancée par le gouvernement soudanais, tout comme l'amélioration de sa coopération avec la force conjointe de l'ONU et de l'UA au Darfour, la Minuad.