Soucieux de vendre pour 7 milliard d’euros d’armes à l’étranger en 2010, la France planche sur une série de mesures destinées à relancer ses ventes. Une ambition qui ne laisse pas
d’inquiéter les défenseurs des droits de l’Homme.
Selon le porte-parole de la Défense, Laurent Teisseire, la France a pour ambition d’augmenter ses exportations annuelles d’armes. Objectif : passer de 5,6 milliards
d’euros de commandes en 2007 à 7 milliards d’euros en 2010. A terme, l’Hexagone espère atteindre le même niveau que le Royaume-Uni, soit 13 % des parts du marché mondial. Pas sûr cependant que le
pays parvienne à atteindre ses objectifs. D’après un rapport du
ministère de la Défense, rendu public mercredi, les exportations françaises d'armes se sont légèrement érodées ces dernières années, les commandes passant de 5,74 milliards d'euros en
2006 à 5,66 milliards en 2007, malgré l'expansion du marché mondial. Si la France a conservé sa 4e place mondiale d’exportateur, derrière les Etats-Unis (54 %), le Royaume-Uni (13 %) et la Russie
(9,5 %), elle est désormais talonnée par Israël (5,3 %).
Plus d’exportations vers l’Afrique et le Moyen-Orient
Selon le rapport 2007, les exportations françaises vers le continent africain ont plus que doublées en un an, passant de 16 millions d’euros à 38
millions d’euros. Parmi les nouveaux clients de la France, on retrouve le Tchad et le Nigeria.
Les exportations vers le Tchad sont passées de cent milles euros en 2006 à 5,4 millions d’euros l’année suivante. Cette évolution démontre à quel point "les exportations d’armes peuvent être un indice de la géopolitique française", commente Laurent Léger, auteur de "Trafics d'armes, enquête sur les marchands de mort", rappelant que la France soutient le chef de l’Etat tchadien Idriss Déby Itno dans son combat contre les mouvements rebelles.
Le Tchad a récemment rejoint le club très restreint des pays pétrolifères, aux cotés de l’Angola et du Nigeria, dont les importations d’armes en provenance de la France étaient inexistantes en 2006 et ont atteint 6 millions d’euros en 2007. "Les livraisons d’armes à l’étranger suivent les aléas de la diplomatie et permettent aussi de garder le contrôle de certaines alliances", commente Laurent Léger, ajoutant que, dans ce cas, "on suit très clairement les intérêts pétroliers de la France".
Toujours selon le document du ministère de la Défense, la France consolide sa part de marché au Moyen-Orient et au Proche-Orient. Aujourd’hui, cette région du monde représente 48,3 % des commandes contre 29 % en 2006. En 2007, les plus gros clients français étaient l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, devant l’Espagne et les Etats-Unis.
La crainte du "grain de sable"
Pour Hervé Morin, le ministre français de la Défense, une politique de relance passe par une meilleure gestion administrative des exportations et une réduction des délais d’obtention des autorisations d’exportation. "Quelque 97 % des dossiers déposés chaque mois sont traités dans le mois, contre moins de 50 % avant", a-t-il affirmé au quotidien La Tribune.
De son côté, Laurent Teisseire évoque la généralisation des procédures systématiques. "L’idée étant d’éviter les mêmes affaires répétitives, explique-t-il. Quand le même industriel vend tous les deux mois les mêmes pièces détachées au même client, on évite qu’il ait à suivre la même procédure à chaque fois." Autant de mesures qui, aux yeux de Laurent Léger, risquent de mener à quelques dérapages. "Le système français actuel est très minutieux, un dossier est examiné par plusieurs ministères avant d’obtenir le feu vert, affirme-t-il. Mais si on assouplit le système, un jour, un grain de sable viendra se glisser dans la machine et on se rendra compte qu’on a vendu des armes sans le vouloir."
Les droits de l’Homme au centre de la politique française ?
A en croire le rapport du ministère de la Défense, le gouvernement s’attache "à créer un environnement favorable aux exportations" et à prendre en compte "les perspectives commerciales au sein des relations diplomatiques entretenues par la France avec des amis ou alliés".
Mais selon Handicap International, la France a privilégié ses exportations d’armes plutôt que d’encourager l’interdiction des bombes à sous-munitions. Sur son site Internet, l’ONG affirme que la France est "devenue le chef de file d'un mouvement minoritaire au sein du processus d'Oslo qui n'était pas favorable à l'interdiction totale, et sans restriction, des bombes à sous-munitions". En clair, pour Handicap International, la France souhaitait conserver son stock de bombes dans ses arsenaux.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Frédéric Desagneaux, se fait fort, quant à lui, de répéter qu’une relance des exportations d’armes ne se fait jamais aux dépens d’une politique de défense des droits de l’Homme. Et rappelle que le gouvernement autorise uniquement les "ventes d’armes aux pays qui ne les retourneraient pas contre leur population".
Source: http://www.france24.com/fr