Sur les douze camps de réfugiés du Darfour que compte l’est du Tchad, trois sont gérés par Caritas Tchad. La concentration humaine des camps représente un risque mais aussi une opportunité de développer des activités d’échanges et de commerce sur les marchés qui doivent être acheminées dans de bonnes conditions de sécurité pour que les gains engrangés ne soient pas volés par les "coupeurs de route".
À l'Est du Tchad, l’impunité devient insupportable à la population qu'elle soit
réfugiée, déplacée ou locale. Elle est considérée comme le pire des fléaux. La Minurcat, (la Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad) qui devra assurer la police dans
les camps et sur les routes, devra poursuivre et remettre à la justice tchadienne les auteurs des méfaits. Mais la liberté des juges est largement entravée par la corruption.
Les rebelles réussissent à rentrer dans les camps du Nord, Iriba et Bahaï et à y introduire des armes. En font-ils un trafic ?
Officiellement, ils rendent visite à leur famille. Quelle sera la capacité d’intervention de la Minurcat pour assurer la sécurité à l’intérieur et à l’extérieur des camps ?
En revanche, même si le phénomène demeure, on note une forte réduction des viols depuis que, tous les mois,
le HCR (Haut commissariat aux réfugiés) organise une distribution de bois qui évite aux femmes de sortir des camps pour aller en chercher. Une aide psychosociale a été mise en place par le biais
de comités visant à sensibiliser les femmes à ne pas avoir honte de dire ce qui leur est arrivé et de les diriger vers les centres de soin.
Reprise des activités.
L’armement et les véhicules de l’Eufor, visibles tous les jours sur les routes produisent l’effet dissuasif
recherché. On ne note pas de nouvelles incursions des Janjawids et les coupeurs de route semblent moins nombreux que précédemment. Les paysans ont une bonne image de l’Eufor parce qu’ils se
sentent en sécurité même si la population tchadienne n’a pas apprécié la cession de terrains pour agrandir les pistes de l’aéroport d’Abéché à un mois des récoltes.
La phase de stabilisation en cours permet une reprise de l’animation communautaire aussi bien dans les
villages qui ont subi la présence des réfugiés que dans les camps eux-mêmes. Caritas Tchad assurait auprès de la population locale une animation communautaire qu’elle avait dû abandonner en
raison de la situation d’urgence à l’arrivée des réfugiés il y a quatre ans.
L’animation vise à sensibiliser les personnes à prendre part aux projets de développement mais pour les
animateurs, se pose la question de savoir comment amener les réfugiés et les autochtones à leur propre prise en charge. « Le Haut Commissariat aux réfugiés n’a
plus les moyens de subvenir aux besoins des réfugiés. Il est donc devenu urgent de convaincre ces populations de se prendre en main. Il n’y a pas d’alternative », atteste Ahmat
Yadouni, chargé de projets de Caritas Tchad. Cependant l’adhésion des populations n’est pas acquise d’avance. L’enjeu de l'animation communautaire est de les préparer à sortir du cycle d’urgence.
Les activités génératrices de revenus sont menées à 70 % par des femmes dans l’élevage, l’agriculture, la foresterie, etc.
Cette année, les précipitations de la saison des pluies ont favorisé de bonnes récoltes de mil. Les quelques
nuées de criquets ne les ont pas endommagées. La sécurité alimentaire est donc assurée pour les mois prochains et la période de soudure sera moins difficile. Les déplacés stockent leurs récoltes
dans leur tente. Des magasins ou des greniers communautaires ne peuvent être construits pour eux en raison de leur retour futur dans leurs villages.
Les réfugiés du Darfour au Tchad jouissent de services qu’ils n’avaient pas chez eux. Eau potable,
assainissement, accès à l’éducation et aux soins. Ils sont mieux pris en charge par la communauté internationale, une disproportion de traitement que Caritas Tchad s’efforce de réduire à l’égard
des populations locales qui partagent tout avec les réfugiés. « C’est une action qu’on croyait de courte durée mais qui dure depuis cinq ans et nous savons bien
qu’elle se poursuivra au moins jusqu’en 2010. »
Le temps des rebelles.
Cependant, il est à craindre qu’à la faveur de la fin de la saison des pluies, les hostilités ne reprennent.
Les rebelles viennent tout juste de s'unir au sein d'une nouvelle structure, l'Union des forces de la résistance (UFR). Les ouadis sont à sec et permettent une circulation plus facile. "
Nous comptons 250 000 réfugiés soudanais, 170 000 déplacés qui fuient les attaques des rebelles, la rébellion du Soudan qui fait des incursions, notre propre
rébellion qui a ses bases au Soudan, les conflits intercommunautaires entre plusieurs ethnies autour du partage des ressources qui ne sont plus réglés par les chefs traditionnels mais gérés par
des politiciens - ce qui aggrave les tensions - les coupeurs de route, des bandits de plus en plus armés qui compliquent la vie de tout le monde, Tchadiens et humanitaires compris. Quand l’Est du
Tchad pourra-t-il vivre en paix comme les autres régions du monde ? Cela nous empêche de voir un avenir meilleur. Mais nous ne baissons pas les bras devant notre responsabilité. Nous poursuivons
la gestion des camps et notre appui au développement des populations locales », conclut Ahmat Payouni. Avec résignation.
=> Les trois camps gérés par Caritas Tchad, Mile, Kounoungou et Farchana, sont passés respectivement de 16 000 à 17 000 réfugiés, de 13 500 à 18 000.
Cependant, l’augmentation de la population de Farchana de 19 000 à 20 379 est essentiellement due à la croissance naturelle des naissances.
Pour en savoir plus :
lire le carnet de bord "Crise Darfour"