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Tchad, Berceau De L'humanité

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19 décembre 2008 5 19 /12 /décembre /2008 12:44

Frères et soeurs chrétiens, Hommes et femmes de bonne volonté, Vous tous que Dieu aime, « Dieu a tant aimé les hommes qu’il a donné son Fils unique… pour que le monde soit sauvé grâce à lui »  (Jn 3, 16-17).


I.- LE BIEN COMMUN


1. Ce monde, Dieu l’a créé pour le bien de tous les hommes qu’il aime. Il nous l’a confié pour le faire fructifier et le protéger (Gn 2,15). C’est notre bien commun. Dans notre village ou notre quartier, nous savons très bien, par exemple, que les bâtiments de l’école et du dispensaire sont le bien de tous ses habitants. De même, les puits du village, les arbres et les forêts environnantes et bien d’autres choses. Tous ces biens doivent être protégés soigneusement par chaque habitant pour le bien de tous. Et quand quelqu’un ne respecte pas un bien qui appartient à tous, en abîmant une route ou en polluant un fleuve, en donnant un coup de hache inutile à un arbre ou en y mettant le feu, il détruit ce qui fait son bonheur et celui de tous, et devient ainsi un véritable prédateur du bien commun.


2. Le pays où nous sommes nés et où nous vivons est notre richesse commune. Ce dont la nature l’a pourvu appartient à tous ses habitants. Tous doivent pouvoir en bénéficier, mais aussi tous doivent s’en sentir responsables. C’est Dieu qui nous l’a confié pour bien le gérer. On ne peut donc le faire en conscience sans se référer à Dieu et à sa Parole (Mt 25, 14-30). La venue du Fils de Dieu dans notre monde nous fait voir non seulement que Dieu l’aime et nous aime tous, mais c’est aussi un moment favorable pour nous interroger sur la façon dont nous gérons ’les richesses communes du pays que Dieu nous a données. Comment nous, Tchadiens de toutes conditions sociales et de toutes confessions religieuses, gérons-nous ces biens ?


3. Par ailleurs, si le bien commun demande que chacun s’en sente responsable, il nécessite aussi qu’au nom de tous, des personnes soient choisies sur les bases de la compétence et de l’honnêteté, pour le gérer dans l’intérêt général de la société. Cette gestion exige de ces personnes une entière abnégation, chacun cherchant à réaliser le bien des autres comme si c’était le sien propre.


4. Le bien commun exige aussi des règles à respecter par tous, pour que tout le monde puisse mener une vie décente et être assuré du minimum vital, notamment l’accès à l’alimentation, au logement, à la santé, à l’éducation, au travail, pour ne citer que ces besoins fondamentaux. Ce n’est pas la règle du « chacun pour soi », mais de « chacun pour tous » qui doit nous guider dans la gestion du bien commun. Malheureusement, nous voyons aujourd’hui que ce principe est gangrené par une pourriture qu’on appelle couramment la corruption.


ii. LE MONSTRE DE LA CORRUPTION


5. La corruption est un réel fléau de notre société, un monstre à visages multiples que nous nommons d’appellations déguisées comme pour mieux le dissimuler : pot-de-vin, pourboire, dessous-de-table, « hag al goro », « pour le thé », « pour le crédit », « droit de table », etc. Est-ce par peur que nous tendons à en faire un sujet tabou ? ou pour éviter de reconnaître que nos coeurs débordent de corruption ?


La corruption généralisée et banalisée


6. La raison d’être de l’Etat est de veiller au bien commun, c’est-à-dire à la sécurité, à l’unité et au développement de toute la population. Il doit donc être le premier à lutter contre toute infraction au bien commun. S’il ne le fait pas ou s’il succombe lui-même à la corruption, il ne remplit pas son devoir de bonne gérance et de bonne gouvernance. Il suscite ainsi lui-même le règne de l’injustice, de la division, de la délinquance, de l’insécurité et de la violence, renforcé par l’impunité généralisée, à tel point que la corruption est banalisée et s’affiche publiquement sans aucune honte.


7. A tous les niveaux, tous les secteurs sont touchés : l’enseignement, où les examens et concours en sont profondément contaminés ; la santé, où le phénomène règne tant sur la gestion des soins et des médicaments que sur la compétence du personnel soignant ; la Fonction publique, avec le suivi des dossiers, les reclassements, etc. ; l’armée, dont le désordre semble résister aux résolutions de ses Etats Généraux ; la police et la gendarmerie ; le service des Douanes ; le secteur des transports routiers ; l’attribution des marchés publics ; l’attribution des bourses ; même la vie associative n’est pas épargnée, avec toutes ces Associations fictives créées pour « bouffer » les financements faciles des ONG, par exemple dans la lutte contre le SIDA, etc.


La corruption atteint les instances judiciaires


8. Ce qui est très grave, c’est que le principal garant du bien commun qu’est l’appareil judiciaire est lui aussi atteint très fortement par le fléau de la corruption. Alors qu’on attend de la Justice qu’elle veille au droit de chacun et aussi de la collectivité, et donc qu’elle établisse les responsabilités et punisse ceux qui ne respectent pas les lois, nous constatons avec regret qu’elle n’assume pas vraiment son rôle. Dans bien des cas, c’est l’argent et non le droit qui détermine les jugements. On en arrive à ce point que la Justice tchadienne a perdu toute la confiance des citoyens qui lui ont délégué ce devoir de rendre la justice en leur propre nom. Certains citoyens sont alors tentés de faire appel à une justice parallèle ou même de se rendre eux-mêmes justice, ce que personne ne peut accepter.


La corruption pénètre jusque dans les institutions religieuses.


9. Dans nos institutions religieuses, de quelque bord qu’elles soient, là où la corruption ne devrait pas exister parce que contraire à la volonté de Dieu, est-elle vraiment absente ? N’est-il jamais arrive qu’un responsable de communauté ne soit pas sensible aux pourboires que lui ont remis des candidats aux sacrements ? Nos évêques, lors de leur rencontre de Bangui en juillet 2008, ont demandé que la gestion des biens de nos communautés se fasse avec rigueur et transparence. Les paroles du prophète Amos nous interpellent toujours, nous qui prétendons prier et adorer Dieu en vérité : « Je déteste, dit le Seigneur, je méprise vos fêtes, je ne supporte pas vos célébrations. Pourquoi vos sacrifices de bêtes grasses et vos offrandes ? Je n’y trouve aucun plaisir… Eloigne de moi le bruit de tes cantiques, et fais que le droit coule comme de l’eau claire et la justice, comme un fleuve qui ne tarit pas » (Am 5, 21-24).


10. Comme nous le constatons, la corruption est partout. Dans tous les domaines, on pourrait aligner sans fin des exemples décrivant le phénomène dont les effets sont désastreux tant au plan de la dignité humaine que sur l’ensemble de la vie de notre pays.


Les conséquences de la corruption dans la vie de notre pays


11. Les conséquences immédiatement palpables de la corruption sur le bien commun sont que l’économie nationale se trouve dangereusement ruinée. Et après presqu’un demi-siècle d’indépendance, le décollage économique du pays n’a pas véritablement commencé. Il suffit de regarder le nombre de nos unités industrielles, de nos routes, nos écoles et nos hôpitaux pour s’en convaincre. Le constat amer est que nous continuons à nous enliser davantage dans le sous-développement.


12. Dans l’éducation, par exemple, la baisse de niveau défie la raison, avec ses effets en cascade aggravant le naufrage de l’école : des générations entières sont sacrifiées, et pour longtemps ! Dans la santé, les conséquences sont gravissimes sur la vie des patients à cause de l’accès immérité de candidats aux écoles professionnelles et de l’attribution de leurs diplômes ; si bien qu’un médecin revenant de formation à l’étranger s’est écrié, devant l’incompétence criminelle de certains infirmiers : « Mais au Tchad on forme des assassins ! ».

La noble idée de la décentralisation n’échappe pas non plus à la corruption. On multiplie par exemple les sous-préfectures pour répondre aux besoins du clientélisme. On pourrait aussi parler longuement de la gestion des revenus du pétrole et des autres minerais de notre sous-sol qui font partie de notre bien commun et qui se trouvent lamentablement bradées pour le profit de quelques-uns seulement.


Les conséquences de la corruption sur notre dignité humaine


13. La corruption a aussi des conséquences sur la dignité humaine et dans les relations sociales. Nos valeurs traditionnelles de solidarité, d’hospitalité, d’entraide mutuelle disparaissent pour faire place à de fortes inégalités sociales. Et plus grave encore, c’est que l’homme corrompu perd la conscience des valeurs morales. Il est prêt à vendre son âme, et à plus forte raison celle des autres, pour ses avantages matériels immédiats. Les jeunes qui grandissent dans cette ambiance sont désemparés, et même déformés dès le départ dans l’éducation de leur conscience, enclins à gaspiller leur âme et leur corps au point de les exposer à la mort.


14. Corrupteurs et corrompus deviennent des dangers autant pour eux-mêmes que pour les autres du fait que la corruption génère méfiance, peur, injustice sociale et violence. Nous ne pouvons pas continuer sur ce chemin de perdition. Mais qu’est-ce qui peut bien expliquer que nous en sommes arrivés dans cette situation plus grave que jamais que nous venons d’exposer ?


III- CAUSES DE LA CORRUPTION


Le coeur de l’homme


15. Notre Maître et Seigneur le Christ Jésus nous l’a dit clairement : « C’est du dedans, du coeur des hommes que sortent les desseins pervers ; débauches, vois, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, envie, diffamation, orgueil, déraison » (Me 7, 20-23). C’est donc bien dans le coeur de l’homme que prend racine la corruption. C’est du coeur de l’homme que vient la cupidité, surtout celle de l’argent, qui pervertit la solidarité et corrompt les valeurs de la société. Cette cupidité pousse à s’accaparer systématiquement les ressources nationales qui seraient pourtant suffisantes pour faire vivre dignement l’ensemble des Tchadiens. Mais la corruption est là qui engendre la pauvreté et la pauvreté entretient la corruption qui se généralise et aggrave la misère des plus faibles. On en arrive à voir cohabiter chez nous deux sortes de citoyens : des Tchadiens excessivement pauvres à côté de Tchadiens excessivement riches.


Les défaillances de l’Etat


16. Une des causes principales de la situation que nous vivons avec ses graves conséquences, il nous semble qu’elle provient de l’Etat lui-même dont le rôle d’arbitre du bien commun n’est pas assumé. Il ne veille pas à l’application des lois qui garantissent l’intérêt général. Au contraire, il entre dans ce jeu pourri qu’on appelle la corruption. Là où la loi est contournée et que l’impunité s’installe, ce fléau ne cesse de s’étendre à tous les niveaux de la vie sociale. La corruption est donc un signe - dont on ne se rend peut-être pas bien compte que l’Etat est profondément affaibli.


IV.- QUEL REMEDE A LA CORRUPTION ?


Croire en nos capacités de changement.


17. Si la corruption a des causes à la fois humaines, politiques et sociales, le remède ne peut être que global. Il suppose un sursaut spirituel et moral et beaucoup d’audace. Ce sursaut, des hommes d’aujourd’hui l’ont vécu pour eux-mêmes et suscité chez d’autres. Par exemple, Nelson Mandela : « J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire. Je caresse l’idéal d’une société démocratique et libre où toutes les personnes puissent vivre ensemble et en harmonie, en bénéficiant de l’égalité des chances. Ceci est un idéal pour lequel j’espère vivre pour le voir réalisé. Mais c’est aussi un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. » (Actes du procès, 1965). Un autre exemple est celui de Julius Nyerere, ancien Président de la Tanzanie. Cet éminent homme politique vient d’être déclaré par l’Eglise « Serviteur de Dieu » ; c’est le premier stade avant d’être déclaré saint. Cette reconnaissance officielle devrait réconcilier les chrétiens avec la grandeur et l’urgence d’un engagement politique vraiment ordonné au bien commun.


18. Il existe aussi parmi nous, dans notre société et dans notre Eglise, des hommes et des femmes de la trempe de Mandela et de Nyerere qui ceuvrent discrètement mais courageusement pour le bien commun. Ces hommes et femmes sont des gens qui croient dans leur capacité à changer le monde. Ils en ont la volonté et le courage. Prenons-les pour modèles à suivre, imitons-les. Tous, extirpons le mal à la racine, sinon nous courons à la catastrophe ! Vaincre la corruption est possible, à condition de le vouloir tous ensemble.


V.- APPELS A TOUS


A nos dirigeants.


19. Responsables politiques et administratifs, vous êtes les premiers garants du respect du bien commun au niveau national et au niveau des circonscriptions administratives. Lutter contre la corruption est un défi lancé à votre autorité et à votre honneur. L’amour du pays doit aussi vous conduire, comme certains le font déjà, à interroger votre conscience pour un changement d’attitudes et de comportements dans la gouvernance et dans la gestion des biens, en particulier dans le respect et l’application des lois qui garantissent le bien commun. Il y va du bien-être de toute la population.


Aux autorités militaires.


20. Vous, autorités militaires, vous incarnez pour tout le peuple l’honneur, la grandeur, la dignité et l’ordre. Vous avez donc un rôle important et même indispensable dans cette lutte contre la corruption. Si vous ne l’assumez pas correctement, vous ne travaillez plus pour garantir la paix et la sécurité des citoyens du pays. De votre changement de mentalité et de conduite dépend beaucoup la victoire finale que nous souhaitons remporter sur la corruption.


A tous les citoyens


21. Vous devez, en tant que citoyens, participer à la construction de la nation tchadienne. Vous pouvez faire beaucoup plus que vous ne le pensez, si vous ne cédez pas au découragement ni à la débrouille individualiste. Gardez courage et croyez en vos capacités. Rassemblez-vous pour réfléchir, pour vous former et pour agir. En associations, travaillez pour un vrai changement dans le fonctionnement de la société, pour faire un monde où règne le bien commun, où chacun est respecté dans sa dignité, mange à sa faim, vit et voyage en toute sécurité, reçoit une éducation satisfaisante et des soins appropriés quand il est malade.


Aux jeunes


22. Nous savons que vous, les jeunes, vous êtes exposés à la séduction de la réussite facile que procure la corruption. Apprenez à dire non au mai sous toutes ses formes. Respectez votre coeur et préservez votre corps de ce qui le dégrade et l’abime. Entraînez-vous au travail bien fait et à l’acquisition de biens honnêtes qui honoreront votre dignité.


Aux femmes


23. Dans des situations critiques, les femmes se montrent souvent très courageuses et bonnes gestionnaires. Elles sont capables de résister et de tenir bon, de maintenir la vie de leur famille et de sortir des difficultés de toutes sortes. Femmes de bonne volonté, la lutte contre la corruption et pour la sauvegarde des valeurs morales dépend beaucoup de vous. Regardez par exemple l’engagement de votre soeur, Maggy, cette Burundaise surnommée « la mère des 10 000 orphelins », dressée presque seule, au risque de sa vie, contre la haine intercommunautaire et l’esprit de vengeance.


Aux responsables religieux


24. Comme le dit le prophète Isaïe (Is 11, 1-2), sur nous repose l’Esprit de Dieu, esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de connaissance et de crainte du Seigneur, pour conduire et guider notre peuple. Tout le monde nous regarde comme des guides et des conseillers. Remplissons cette tâche non seulement par nos paroles, mais aussi par l’exemple de toute notre vie. Respectons et faisons respecter dans nos institutions les valeurs humaines et religieuses basées sur notre foi et prônées dans nos traditions.


Aux fidèles chrétiens


25. Ayons les yeux fixés sur le Christ Jésus qui a résisté jusqu’au bout à toute forme de tentation et d’idolâtrie (Mt 4, 1 -11) et donc à toute forme de corruption. Nous avons la preuve que la corruption peut et doit être vaincue. Le Seigneur lui-même est avec nous dans ce combat. N’ayons pas peur de dénoncer toutes les pratiques liées à la corruption dans nos communautés chrétiennes et dans la société. N’hésitons pas à offrir notre collaboration à des comités tels que ceux de Justice et Paix. Engageons-nous à vivre le 2’ Synode des évêques pour l’Afrique sur le thème de « l’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix ».


26. Que la fête de l’Emmanuel, Dieu-avec-nous, nous donne la volonté, le courage et l’audace de nous engager sur ce chemin, pour lutter avec détermination, partout où nous sommes, contre la corruption et en faveur de notre bien commun. « Marie, mère de tendresse et de sagesse, soutiens notre chemin de conviction afin que Jésus, ton enfant, fasse briller en nous et sur nous sa Gloire dans tous les lieux de notre vie personnelle, familiale et sociale ». (Prière du Synode)


Jean-Claude BOUCHARD, évêque de Pala, président de la CET

Mathias NGARTERI, archevêque de N’Djaména

Michel RUSSO, évêque de Doba

Edmond DJITANGAR, évêque de Sarh

Miguel SEBASTIAN, évêque de Laï

Rosario Pio RAMOLO, évêque de Goré

Joachim KOURALEYO, évêque de Moundou

Henri COUDRAY, préfet apostolique de Mongo

BIEN COMMUN ET CORRUPTION

Source: http://www.cefod.org/
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