Genève est une ville où se cristallisent les débats internationaux les plus importants, un des carrefours essentiels des relations entre Etats ainsi qu’entre Etats et institutions internationales. Ce qui fait de l’Ambassade, Mission permanente du Tchad à Genève une excellente rampe de lancement pour l’ouverture à la modernité et le développement du Tchad, en lui offrant de multiples opportunités de participer dans l’orientation des relations internationales et de tirer profit de nombreuses possibilités qui s’offrent à lui.
Mais, en restant attentiste, M. Bamanga Abbas Malloum – l’Ambassadeur du Tchad à Genève – va finir par ramener le Tchad à l’époque pré-indépendance, où en matière diplomatique, c’étaient essentiellement les pays colonisateurs qui parlaient et agissaient pour les pays africains. Si cela devient le cas, ce sont les autres pays qui parleront pour le Tchad, et ils ne peuvent le faire qu’en fonction de leurs propres intérêts. Dans ces conditions, le Tchad ne peut que constituer le prolongement des intérêts des autres pays sans aucun impact positif tangible et durable sur son propre développement et le progrès des tchadiens. La politique du refus affichée par ce personnage, en dépit de la pertinence et de l’urgence des questions soulevées par les membres du personnel de l’Ambassade qu’il dirige, empêche le Tchad de prendre pleinement le train de la modernité, il reste sur le quai ; non pas parce qu’il n’en a pas les moyens mais à cause de l’esprit réfractaire de certains de ces représentants qui se complaisent dans la reproduction de l’identique avec l’unique souci de préserver leurs arrangements et compromissions.
Déterminé à refuser de cautionner cela, nous poursuivons et poursuivrons notre démarche consistant à remettre en question le fonctionnement de la représentation diplomatique tchadienne à Genève, dans l’espoir que les plus hautes autorités du Tchad prendront leur responsabilité en vue de faire de cette représentation diplomatique un véritable poste avancé du développement du Tchad, une structure efficace et efficiente de la diplomatie de développement. Ce n’est pas la paresse, l’inaction ou le refus du changement, encore moins le simple travail bureaucratique de rédaction-transmission des courriers, qui nous mènera au progrès.
C’est dans cet esprit que nous aimerions apporter certaines précisions sur les irrégularités, défaillances et anomalies du fonctionnement de la représentation diplomatique tchadienne à Genève, liées à la façon de diriger de l’Ambassadeur Bamanga Abbas Malloum ; des pratiques qui peuvent se retrouver sous une forme ou une autre dans certaines des représentations diplomatiques tchadiennes à l’étranger (surfacturation, emplois fictifs, détournement camouflé, etc.).
Le budget annuel de fonctionnement de l’Ambassade du Tchad à Genève est estimé autour de deux cents millions de Francs CFA. Ce budget dépasse largement les dépenses effectives de fonctionnement de l’Ambassade en l’état actuel, mais on ne sait pas où vont les excédents. A titre indicatif, les frais relatifs à la logistique (eau, électricité, téléphone-fax-internet, fournitures de bureau, mobilité…) ne dépasse pas le 1/5 de ce budget ; le loyer de la chancellerie étant pris en charge par la Suisse, qui subventionne l’hébergement des bureaux des représentations diplomatiques des pays les moins avancés, à hauteur de trois mille francs suisse pour l’Ambassade, Mission permanente du Tchad à Genève, soit un million deux cents mille francs CFA.
Par ailleurs, le taux de change présenté par l’Ambassadeur actuel aux autorités tchadiennes compétentes est de 450 F CFA pour 1 franc suisse, alors que le taux standard est de 400 F CFA pour 1 franc suisse ; soit un excédent injustifié de 50 F CFA pour chaque franc suisse dépensé par l’Etat tchadien pour le compte de sa représentation diplomatique à Genève. Où va cet argent ?
En outre, à l’occasion de la célébration de la fête du 1er décembre (fête de la liberté et de la démocratie au Tchad), une enveloppe de vingt-cinq millions de francs CFA a été envoyée en début de cette année par l’Etat tchadien à l’Ambassadeur actuel pour organiser cette fête en l’honneur des ressortissants tchadiens résidant en Suisse. Vérifications faites, les dépenses occasionnées par cette fête se sont élevées à huit millions quatre cents mille de francs CFA. Etant donné que c’est lui seul qui a pris en charge, de manière exclusive, l’organisation de cette fête, on est en droit de se demander où sont passés les millions de francs CFA excédentaires.
Il convient de relever aussi que l’épouse de l’Ambassadeur actuel a travaillé pour l’Ambassade pendant plus de trois ans alors que les textes l’interdisent ; c’est pour cette raison qu’il est prévu une allocation mensuelle des conjoint (e)s des diplomates s’élevant à cent mille francs CFA, indexée au salaire mensuel. Mais, son épouse a été recrutée sous son nom de jeune fille et n’a pas été déclarée au pays hôte en tant qu’employée de l’Ambassade. Ce qui nous semble être une façon de contourner les limites légales. Elle a même continué à percevoir un salaire pendant près d’un an, alors qu’elle avait arrêté de travailler, jusqu’à ce qu’une nouvelle recrue ait récemment pris ses fonctions.
A côté des frais de scolarité et allocations familiales pris en charge par l’Etat tchadien alors que la scolarisation se passe en dehors de la juridiction couverte par l’Ambassade, ce sont autant de faits concernant l’utilisation des fonds publics qui méritent d’être soulevés dans le sens qu’ils constituent un handicap majeur pour le fonctionnement efficace de l’Ambassade ; la capacité d’action étant liée aux ressources disponibles et à leur gestion rationnelle.
Tout cela s’apparente à un pillage des deniers publics, sinon un détournement camouflé des fonds publics, sur le dos non seulement des contribuables tchadiens mais aussi des tchadiens modestes qui croupissent dans la misère. Ce qui est pillé pourrait servir à améliorer le fonctionnement de l’Ambassade et accroître sa capacité d’action et d’influence au profit du développement socioéconomique, culturel et politique du Tchad. Il peut aussi servir à améliorer les conditions de vie de certaines catégories de tchadiens, comme par exemple les conditions de travail des employés tchadiens de la résidence de l’Ambassadeur, dont deux ont récemment démissionné pour raison de mauvaises conditions de vie et de travail.
Même les outils de travail quotidien sont exclusivement utilisés par l’Ambassadeur. C’est le cas par exemple du fax qui reste enfermé dans son bureau, ignorant le fait qu’une urgence peut se présenter d’un moment à l’autre en son absence. Cet outil de travail devrait en principe rester au Secrétariat ; au besoin, un deuxième fax réservé à l’usage exclusif de l’Ambassadeur pourrait être installé. Même au niveau des courriers adressés à l’Ambassade, Mission permanente du Tchad à Genève, ils le sont sous le nom de l’Ambassadeur alors qu’en principe qu’ils devraient porter le nom de l’institution destinataire, en l’occurrence l’Ambassade, Mission permanente du Tchad à Genève. Ce qui permettrait au Secrétariat de remplir une des fonctions pour lesquelles il existe, au lieu que ce soit l’Ambassadeur lui-même qui s’occupe du courrier avant de le transférer au Secrétariat pour enregistrement et classement. Tout cela pourrait fluidifier le fonctionnement de l’Ambassade.
Tout ce qui précède est révélateur d’une gestion privée, de type familial, d’une institution publique. A l’opposé de ce type de pratiques, avec nos collègues de l’Ambassade du Tchad à Genève, aux qualités humaines et professionnelles louables, nous nous sommes efforcé d’investir nos forces, notre temps et nos talents pour servir le mieux possible ce que nous considérons comme les intérêts du Tchad, malgré une réalité complexe de l’environnement international actuel et les embûches du Chef de Mission, Monsieur Bamanga Abbas Malloum. Nous n’avons jamais cessé d’apporter d’importantes valeurs ajoutées pour, à la fois, concourir aux objectifs de notre pays et servir les intérêts des nos concitoyens, en sacrifiant nos familles et notre propre épanouissement au service du progrès du Tchad, le plus souvent en restant au service de l’Ambassade dès son ouverture jusqu’à 22h voire minuit pour traiter les dossiers qui nous étaient confiés.
Le Tchad ne pourra rayonner pleinement aux niveaux national, régional et international que si chacun(e) de ses fils et filles se met corps et âme – avec talent, loyauté, intégrité, le sens du bien public et de l’innovation – au service des intérêts de notre pays. Certains organes de la diplomatie tchadienne sont malades de leur fonctionnement ; un diagnostic de tous leurs maux s’impose, de même qu’un traitement approprié en particulier pour repenser leur fonctionnement et les débarrasser des tares du passé. C’est dans ce sens et surtout pour cette cause, que nous nous battons avec les moyens intellectuels, modestes soient-ils ! On peut emprisonner ou fragiliser le corps, mais pas l’esprit ! Nous en sommes fier, même si les résultats sont maigres au niveau du fonctionnement de cette représentation diplomatique – fenêtre primordiale sur la scène internationale. Nous nous félicitons du fait que non seulement nos discussions avec certaines autorités tchadiennes de passage à Genève mais aussi nos articles ont pu hâter la prise de fonctions de la nouvelle secrétaire et la nomination d’une conseillère économique qui font leur travail avec compétence et professionnalisme.
Comme le disait notre compatriote Hassan Mayo Abakaka, « le Général Président, plus préoccupé par les dossiers militaires et les finances, n’accorde pas de l’importance à [une] diplomatie qui ne lui donne pas satisfaction ». C’est une attitude qui donne, à certains de nos Ambassadeurs, l’occasion de tirer au maximum des profits personnels de leur fonction, sachant qu’ils n’ont de compte à rendre à personne ; leur Chef étant occupé ailleurs et la Conférence des Ambassadeurs (tribune révélatrice des dysfonctionnements des représentations diplomatiques tchadiennes) étant jetée aux oubliettes depuis un certain nombre d’années. Qu’ils n’oublient surtout pas qu’ils auront des comptes à rendre à l’histoire, à leur descendance (qui portera les marques de leurs manquements) et à Dieu (puisqu’ils se disent croyants) !
Talha Mahamat Allim
Genève, Suisse.
Remerciements :
Nous tenons à exprimer nos sincères remerciements à tous nos compatriotes de l’intérieur comme de l’extérieur du Tchad qui nous ont apporté leur soutien et ont contribué d’une manière ou d’une autre à la diffusion de nos écrits. Qu’ils trouvent ici l’expression de notre profonde gratitude.