La France peut-elle ignorer ce qui se passe sur sa propre base militaire à N’Djamena? L’opération Epervier est en place au Tchad depuis 1986. A l’époque, l’armée libyenne avait envahi une partie du territoire. Sur demande du gouvernement tchadien, Paris intervient.
Juan Doe est surpris lorsqu’il apprend qu’une enquête préliminaire est ouverte en France sur des ventes illégales présumées de matériel militaire à destination du gouvernement tchadien.
L’information est révélée le 6 décembre 2008 par "le Parisien". Le journaliste François Vignolle précise que c’est à la suite d’une plainte déposée par le Ministère du Budget à l’été 2008 que le
parquet de Paris a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire. Toujours selon "le Parisien", depuis deux mois, un service de police parisien épluche les transactions financières de la société
Griffon Aerospace, basée à Colombes dans les Hauts-de-Seine, et spécialisée dans le négoce de matériel d’aviation, dans le conseil militaire et la formation de pilote.
Selon une source proche de l'enquête citée par "le Parisien", cette entreprise aurait acheté en 2007 d'anciens avions de guerre démilitarisés auprès d'une société américaine pour le compte de
l’armée tchadienne. Un marché de 10 millions d'euros conclu en 2007. Les avions auraient été légèrement améliorés en Israël, grâce à l’installation de radars et de nouvelles armes. C’est
justement le cas de l’hélicoptère sur lequel travaillait Juan Doe. Un MI17 tout juste bon au transport de troupes et astucieusement transformé par des Israéliens en machine de guerre. Au détail
près qu’un MI17 est un hélicoptère et non un avion de guerre. La justice française, conclut "le Parisien", doit déterminer si ces pièces ont été réassemblées dans des pays à la législation plus
souple en matière de vente d'armement. Car, en France, les exportations d'armes sont prohibées, sauf autorisations gouvernementales. Or en avril 2007, Griffon Aerospace avait sollicité une
autorisation de commerce de matériel de guerre auprès du ministère de la Défense. Cette demande aurait été refusée en juillet 2008. Juan Doe, lui, travaillait au Tchad fin 2008.

L’Agence France Presse s’empare de l’histoire et l’embrouille. On apprend que l’enquête a été confiée à une brigade financière à la suite de "signalements" sur les pratiques de Griffon Aerospace.
L’AFP précise que cette société, basée à Colombes, a été fondée en 1994 et que son siège se trouve dans l’Etat américain de l’Alabama. Le journaliste de l’AFP s’est-il contenté de rechercher sur
Google le nom de Griffon Aerospace ou a-t-il été mal renseigné? En quelques clics, on peut retrouver la trace d’une société appelée Griffon Aerospace basée en Alabama. Il y a même un numéro de
téléphone. La jeune femme au standard est surprise d’apprendre qu'une de leurs prétendues filiales en France est soupçonnée de trafic d’armes illégales. Car des armes, ils n’en fabriquent pas.
Ils construisent de simples cibles pour le compte de l’armée américaine. "Nous n’avons aucun lien avec cette société en France", explique un chargé de communication. "On ignorait jusqu’à son
existence. On ne travaille pas au Tchad, on ne vend pas d’armes. On travaille avec le département d’Etat américain. Nous sommes une entreprise sérieuse", assure-t-il. "Ce n'est sûrement pas
innocent d'avoir choisi le même nom qu'une société américaine, ça brouille les pistes", explique un marchand d'armes étranger opérant au Tchad, avant d'ajouter en guise de clin d'oeil : "C'est ce
qu'on appelle un leurre".
La piste américaine s’envole. Reste une compagnie fantôme à Colombes dans les Hauts-de-Seine. Là encore, il est assez facile de retrouver ses coordonnées sur Internet. Au standard répond toujours
aux heures ouvrables la même secrétaire. Impossible de joindre le patron, un certain Habib Boukharouba. Il est toujours en voyage ou en rendez-vous extérieur. Il n’existe que peu d’informations
sur cette entreprise. Elle existerait depuis mars 2003, disposerait de 63000 euros de capital et emploierait seulement deux personnes. La secrétaire et son patron? Plus de six mois après
l’ouverture de l’enquête préliminaire, le parquet de Paris ne se livre qu’à peu de commentaires. "Je ne peux pas vous dire quand la plainte du Ministère du budget a été déposée, ni quel service
s'en est chargé", explique la porte-parole Isabelle Montaigne. "Tout ce que je peux vous dire c’est qu’une enquête préliminaire est en cours et que le dossier n’est pas encore revenu au parquet",
précise-t-elle. Au Ministère du budget, personne ne reconnaît être à l’origine de cette affaire.
Comment le Ministère du Budget a-t-il eu vent de cette affaire et pourquoi a-t-il déposé plainte? Du côté de l’armée française, c’est le désarroi. "On connaît bien la société Griffon. Elle
organise la défense aérienne tchadienne", se contente de dire un officier supérieur de l’armée de l’air, avant d’ajouter: "Des concurrents ont dû les dénoncer". Le Ministère du Budget a-t-il mis
son nez dans des affaires qui ne le regardaient pas ? "L’Ambassade de France au Tchad n’ignore rien des ventes d’armes", explique le marchand d’armes étranger opérant au Tchad. "Des coopérants
militaires français sont partout dans les Etats-majors tchadiens et rendent compte de tout à l’attaché de défense français", poursuit-il. Un outsider aurait-il dénoncé la société Griffon? "Ce
n’est pas impossible. Ce sont des marchés juteux. C’est également possible que certains officiels tchadiens peu satisfaits de leurs commissions les aient dénoncé à la police française",
commente-t-il.
Source: http://www.sousrealisme.org/