Dans les affaires d'enlèvement en Somalie, les symboles se paient au prix fort. La capture à Mogadiscio, dans leur hôtel, le jour même des célébrations du
14-Juillet, de deux "conseillers français" chargés d'une très discrète "aide en matière de sécurité" auprès des autorités locales somaliennes, selon le ministère français des
affaires étrangères, ne sera donc pas une mince affaire.
Mogadiscio est au milieu d'une importante offensive. Les faibles autorités locales, le Gouvernement fédéral de transition (TFG), ne résistent aux coups de boutoir d'insurgés islamistes - dont le
groupe principal, Al-Chabab (la jeunesse), revendique des liens avec Al-Qaida - qu'en raison de la protection d'une force de l'Union africaine, l'Amisom, et d'un soutien international qui se
traduit notamment par d'importantes livraisons d'armes des Etats-Unis. Les jours derniers, le TFG a commencé à desserrer l'étau des insurgés avec l'appui de l'Amisom et de ses chars.
Les deux Français s'étaient présentés comme journalistes en arrivant à Mogadiscio. Mais ils s'avèrent être des "conseillers" français. Autrement dit, à
Mogadiscio, des agents d'un gouvernement considéré comme ennemi, aussi bien par les chabab que par les différents acteurs du secteur de la piraterie. Depuis que la France s'est impliquée dans la
lutte contre les pirates somaliens, tuant et arrêtant certains d'entre eux, des "contrats" ont été lancés pour prendre des Français en otage. Les chabab ont, quant à eux, leurs propres raisons de
s'en prendre à des "conseillers" d'un gouvernement ennemi.
Pourtant, les chabab ne sont pas responsables des deux enlèvements. En voiture, appuyés par un "technical" (véhicule à l'arrière duquel est montée une arme
anti-aérienne), une dizaine d'hommes se réclamant, au contraire, des forces du ministre de l'intérieur du TFG, Cheikh Abdikadir Ali Omar, sont venus s'emparer des deux conseillers dans leur
chambre d'hôtel. Certains ravisseurs portaient des uniformes du TFG. Ils sont montés tout droit jusqu'aux chambres des Français et ont frappé en affirmant, selon une source sur place, "être
venus pour les escorter à une réunion à la présidence". Ils les ont aussitôt emmenés dans Mogadiscio.
PREMIÈRES TRACTATIONS
Dans la journée, des premières tractations ont eu lieu avec les ravisseurs, dont le chef a été identifié. Tractations interrompues lorsque, vers le soir, les otages
ont semblé avoir changé de mains. Ils se trouvaient alors dans une zone contrôlée par les insurgés. Selon certaines sources, une société française, Secopex, aurait bénéficié d'un contrat pour
former des militaires somaliens à la protection rapprochée du président du TFG, Cheikh Chariff Cheikh
Ahmed. Selon des sources somaliennes, des équipes de Secopex s'étaient déjà rendues à Mogadiscio au cours des deux derniers mois.
Les deux hommes enlevés mardi semblaient, depuis leur arrivée quelques jours plus tôt, avoir passé le plus clair de leur temps à l'hôtel Sahafi. Un choix curieux,
tant l'établissement est exposé et ses clients "visibles". Situé en bord de route près du rond-point du Kilomètre 4, non loin d'un arc de triomphe célébrant la gloire de l'Italie mussolinienne,
l'hôtel Sahafi avait été, dans les années 1990, lors des heures chaudes de la guerre des clans, le bastion de la presse internationale. Depuis, ses clients sont essentiellement de petits
responsables politiques somaliens. Une journaliste de la BBC, Kate
Peyton, a été assassinée devant ses portes en 2005.