La société civile sénégalaise a décidé d'agir pour que l'ancien président tchadien, Hissène Habré, en exil au Sénégal depuis 1990, soit jugé pour
les violations des droits de l'homme commises lorsqu'il était au pouvoir. Mouvements citoyens et ONG de défense des droits humains, réunis mercredi à Dakar, ont appelé le gouvernement sénégalais
à ouvrir dans les meilleurs délais l'instruction judiciaire de Hissène Habré, 68 ans, accusé "de milliers d'assassinats politiques et de tortures systématiques de 1982 à 1990".
Le thème de cette rencontre était "Affaire Habré, agir ensemble contre l'impunité : le rôle de la société civile". "Il faut une société civile forte pour se lever contre l' impunité qui est un
cancer qui se perpétue en Afrique. Si on avait jugé Habré, on assisterait peut être pas à toute cette barbarie qui se poursuit dans le continent (africain)", a estimé Alioune Tine, président de
l'ONG sénégalaise RADDHO.
C'est en juillet 2006, sous la pression des victimes tchadiennes, appuyées par des ONG, que les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine (UA) ont donné mandat au Sénégal de juger
Hissène Habré. Il est accusé de "complicité de crime contre l'humanité, d'acte de torture et de barbarie". "Mais depuis 2006 jusqu'à nos jours, rien ne bouge. Le Sénégal déclare qu'il ne
commencera pas le procès avant d'avoir obtenu son financement complet estimé à 18 milliards francs Cfa", a indiqué Jacqueline Moudeina, avocate tchadienne des victimes du régime d' Habré.
Selon le rapport de la commission d'enquête nationale tchadienne, la répression sous ce régipme a fait "plus de 40 000 victimes, plus de 80 000 orphelins et 30 000 veuves". Le Sénégal qui s'est
engagé a jugé Habré, doit rendre justice aux victimes encore vivantes de l'ancien président tchadien, a estime le professeur de droit, Amsatou Sow Sidibé. Pour elle, "l'absence de réparation est
source de rancoeur et de haine. Et la rancoeuur et la haine sont le lit de la violence et de la vengeance".
La justice sénégalaise avait inculpé Hissène Habré en 2000 de crime contre l'humanité avant de se déclarer incompétent. C'est seulement en 2007 que l'Assemblée nationale sénégalaise a voté une
loi qui déclare les tribunaux sénégalais compétents pour juger l'ancien homme fort du Tchad.
L'abbé Léon XXXqui représente l'église catholique à la rencontre, a souligne qu'à force de laisser courir l'impunité, " même la foi pourrait en mourir et laisser ainsi la place à la dégradation
culturelle, sociale, politique et économique". Le crime sans criminel ne peut, d'après le religieux que laisser le citoyen méfiant.
Pour sa part, l'islamologue Abdoul Aziz Kébé a déclaré de son côté que tant qu'il y a l'injustice et l'insécurité, les citoyens ont le droit de se lever pour établir ce qui appartient à toute l'
humanité : la justice. C'est pourquoi, a-t-il estimé, "nous devons démontrer à la face du monde que la dignité humaine et aussi ressentie chez nous (en Afrique), en jugeant Habré".
Parmi les victimes du régime de Hissène Habré figurent deux Sénégalais: Demba Gaye et Abdourahmane Gaye, des commerçants, arrêtés en 1987 à N'djaména au Tchad. "J'ai fait 7 mois de geôles dans
des conditions inhumaines avant d'être libéré grâce à l'intervention de l'ancien président Abdou Diouf. Mais mon ami Demba n'a pas survécu aux conditions de détention. Il est mort en prison", a
confié Abdourahmane Gaye.
Le député libéral sénégalais, Me Abdoulaye Babou, à décidé de porter l'affaire devant l'Assemblée nationale en adressant une question orale au ministre de la Justice Sénégalaise."C'est pour
permettre aux Sénégalais de savoir la position actuelle du gouvernement sur l'affaire Habré" , a-t-il expliqué.