Le Soudan, géant
africain de 40 millions d'habitants dont 16 millions d'électeurs inscrits, doit tenir de dimanche à mardi ses premières élections - législatives, régionales et présidentielle - multipartites
depuis le scrutin de 1986 et le coup d'Etat en 1989 du militaire Omar el-Béchir soutenu par les islamistes. Mais ce scrutin sera boycotté par une grande partie de l'opposition, dont le parti Umma
de l'ex-Premier ministre Sadek al-Mahdi, qui dénonce des élections truquées, et -partiellement- par les ex-rebelles sudistes du SPLM dont le candidat et principal opposant à Béchir, Yasser Arman,
s'est aussi retiré.
La commission électorale réglait samedi les derniers préparatifs. Les autorités transportaient encore samedi des bulletins de vote dans différentes régions du Soudan afin de s'assurer que les Soudanais inscrits sur les listes électorales puissent se prévaloir à partir de dimanche de leur droit de vote.La logistique est un aspect clé des élections au Soudan, un pays de 2,5 millions de kilomètres carrés, où certaines régions sont complètement isolées.
Des avions, des hélicoptères et des véhicules sont mobilisés depuis plus de deux semaines afin d'acheminer le matériel électoral - urnes, bulletins de vote... - dans l'ensemble du pays. Les inquiétudes sur la préparation électorale ont alimenté les polémiques au Soudan sur un éventuel report "technique" du scrutin venant s'ajouter à un report "politique" demandé par une partie de l'opposition qui estime que les conditions d'un scrutin "libre et juste" n'étaient pas réunies. "Nous ne voyons aucune raison d'être préoccupés hormis pour quelques bureaux de votes isolés où les bulletins arriveront peut-être en retard mais les gens auront quand même trois jours pour voter", a affirmé vendredi l'ex-président américain Jimmy Carter, dont la fondation observe le processus électoral en cours au Soudan.
La Fondation Carter avait suggéré à la mi-mars un léger report du scrutin pour des raisons techniques ce qui avait irrité les autorités soudanaises. "Le communiqué de la Fondation Carter a permis d'accélérer les choses", souligne une source occidentale suivant le processus électoral. Jimmy Carter doit s'entretenir samedi à Khartoum avec le président Omar el-Béchir, qui avait menacé d'expulsion les observateurs étrangers s'ils demandaient un report du scrutin ou s'ingéraient dans les affaires internes du Soudan. Mais le raïs soudanais a assoupli le ton au cours des derniers jours, faisant mêle l'éloge public de Jimmy Carter. "Ces élections ne seront pas libres et justes... elles se sont déroulées dans le contexte d'un pays géré par un parti unique (le NCP du président Béchir), a déclaré vendredi un des ténors de l'opposition, Mubarak al-Fadil, alors que le président Béchir multipliait les appels à la mobilisation.
Agé de 66 ans, M. Béchir compte sur ces élections pour regagner en légitimité un an après le mandat d'arrêt émis contre lui par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest du pays en proie à la guerre civile. Des observateurs craignent que ce scrutin - et plus précisément l'annonce des premiers résultats prévue vers le 18 avril - servent de prétexte à des violences dans un pays plus habitué à la guerre qu'à la paix depuis son indépendance en 1956.Les partis politiques soudanais appelaient vendredi 9 avril leurs partisans à la mobilisation avant les élections de dimanche, au dernier jour d'une campagne dominée par le président Omar el-Béchir, assuré de sa réélection. Dans la rue, les Soudanais semblaient peu intéressés par ces élections générales.