Barack Obama devrait signer rapidement - peut-être dès mardi - la
loi sur l'assurance-santé aux Etats-Unis qui modifiera amplement les conditions de son exercice, ce qu'aucun président avant lui n'était parvenu à obtenir. Dimanche 21 mars à 23 heures à
Washington, par 219 voix contre 212, le plan adopté par le Sénat en novembre 2009 a été voté par la Chambre, malgré une ultime intense guérilla parlementaire républicaine. La majorité était de
216 voix et 34 démocrates ont voté contre.
La loi signée, le Sénat devra se prononcer sur une série d'amendements également adoptés par la Chambre. Les démocrates y détenant 57 élus (sur 100) et les 2 indépendants leur étant favorables,
les républicains tenteront de faire échouer la procédure, sachant qu'ils ne peuvent l'emporter si un vote a lieu. Si, comme il est probable, la procédure va à son terme, M. Obama pourra clamer
que son engagement le plus symbolique sur le plan social a été atteint : il aura réformé l'assurance-santé. Ce faisant, au-delà d'un indéniable succès politique, cette réforme correspond-elle au
contenu originel de ses engagements ? A la mi-août 2009, dans un article livré au New York Times, M. Obama
avait présenté les "quatre principales voies" de sa réforme.
Un : l'octroi à ceux qui en sont dénués d'une assurance "de bonne qualité" que les bénéficiaires conserververont "qu'ils changent d'emploi ou qu'ils le perdent". Deux :
"contrôler les coûts exponentiels de la santé" - ils atteignent 16,4 % du PIB aux Etats-Unis, contre 10 % à 11 % dans les autres pays développés. Trois : améliorer l'efficacité de
l'assurance publique des retraités (Medicare) pour qu'elle "cesse d'enrichir les assurances privées". Quatre : imposer aux assureurs de ne plus "discriminer" les contractants,
c'est-à-dire les exclure pour dossier médical trop lourd.
Le contenu final de la loi répond à la plupart des attentes présidentielles. Cette réforme devrait permettre à 95 % des Américains de bénéficier d'une assurance médicale, contre 83,5 %
actuellement, soit 31 millions de personnes supplémentaires sur les quelque 50 millions qui sont dénués d'assurance. Le bureau du budget du Congrès indique qu'il s'agira, pour 60 %, de personnes
qui seront subventionnées pour accéder à l'assurance privée (par un financement public de la contribution patronale des PME, par exemple) et pour 40 %, de bénéficiaires d'une extension des
programmes offerts aux retraités et aux plus indigents. Les assureurs privés ne pourront plus refuser une couverture santé aux malades "à risques". Enfin, le bureau du budget a calculé que cette
réforme (coût : 940 milliards de dollars) permettra de rogner 138 milliards de dollars sur dix ans sur les dépenses générales de santé - un vrai premier pas dans un dossier longtemps négligé.
Pour le reste, M. Obama envisageait aussi d'améliorer la couverture de quelque 100 millions d'Américains qui n'ont pas les moyens de payer pour une "bonne" assurance, et de se doter de moyens
pour imposer un encadrement des tarifs aux assureurs privés. L'adoption d'une assurance publique concurrente du secteur privé était la pierre angulaire de cette ambition. Le président y a
renoncé, sentant que l'opinion basculait progressivement contre un tel plan, comme plus généralement contre le trop-plein de dépenses publiques, compte tenu de l'inefficacité du gigantesque plan
de sauvetage de l'économie pour enrayer la poussée du chômage.
Mais en y renonçant, la Maison Blanche a pris le risque de scier la branche sur laquelle est assise sa réforme
: tel est le reproche des démocrates progressistes. L'assurance privée, disent-ils, continuera de déterminer la politique tarifaire. Et l'Etat, élargissant sa prise en charge des deux populations
les plus "à risques" - les retraités et les plus indigents - tout en renonçant à offrir au commun des assurés une couverture de qualité égale à moindre coût, se prive de la recette la plus
"profitable" : celle de la couverture des 25-50 ans.
L'Etat va donc assumer l'essentiel des surcoûts de la couverture d'une population vieillissante (la retraite des baby-boomers devrait faire passer les inscrits à Medicare de 45 millions de
personnes aujourd'hui à 77 millions en douze ans), tout en offrant au secteur privé d'augmenter plus encore son ratio de rentabilité. Le risque, pour M. Obama, est d'apparaître bientôt comme bien
plus dépensier qu'il ne le souhaite. Les républicains l'annoncent déjà, qui pronostiquent aussi une prochaine et "inéluctable" augmentation des impôts. Le Parti républicain promet, en
cas de signature de la loi, de multiplier les procédures contre un texte dénoncé comme anticonstitutionnel et d'en faire l'un des sujets clés de sa campagne électorale pour le renouvellement de
la Chambre et du tiers du Sénat, le 2 novembre.
Une fois la loi votée, une course à la conquête de l'opinion va s'engager. Si, contrairement au plan de relance économique, une grande partie des Américains perçoivent rapidement les avantages
que cette réforme leur apporte, les démocrates peuvent espérer se requinquer d'ici le scrutin de mi-mandat.