LE BLOG ACTUTCHAD VOUS SOUHAITE LA BIENVENUE 

Actutchad

  • : Actutchad
  • : actutchad2008@gmail.com
  • Contact

Tchad, Berceau De L'humanité

  • Actutchad

15 septembre 2008 1 15 /09 /septembre /2008 22:41
Comme chaque nuit, les familles tchadiennes se murent, les familles des politico-armés reçoivent des visites inattendues, les opposants de l'intérieur changent de dortoirs, et les chiens se taisent. Le Tchad tout entier se mure dans sa peur. Derrière chaque mur monté jadis tenant lieu de clôture ondulées du pipi des passants, il y a une famille qui crève de chaleur et d'angoisse en attendant la délivrance de l'aube. Dehors, ne restent que ces ombres qui volent à la vitesse de leurs Toyota banalisés et lâchent quelques rafales en l'air ou sur les nocturnes. Quand les soldats et les nombreux « officiers » tchadiens passent dans une rue des villes tchadiennes, la nuit se plaint et le petit peuple prie en silence pour qu'ils ne s'arrêtent pas devant leur porte ou leur commerce.

Ceux qui gouvernent le pays de Toumai hantent un
ciel sans lune, des rues sans éclairage. Ils dansent dans le halo des phares qui découpent des grilles de fer aux fenêtres closes où se dressent dans les volutes mourantes de la fumée des montagnes d'ordures qui se consument. On roule au pas, piégé par un asphalte défoncé qui ouvre ses abîmes à chaque tour de roue. Hier, ils sont entrés dans la famille de Yorongar, de Lol Choua, de Dr. Ibni. Aujourd'hui, chez la sœur du « Colonel » Ahmat Soubiane, et ils l'ont séquestrée, sous les regards de ses voisins. Personne ne peut dire pourquoi ils lui ont fait ça en ce mois saint.

Chaque jour, une famille au moins découvre un corps ; certains simplement criblés de balles et jetés dans le fossé ; d'autres sur la route du
travail ou sur la route du retour. Inutile de chercher, il n'y aura jamais d'enquête. On ne court pas après les ombres de la nuit. La veille, sur la route de Farcha ou de Nguéli, à l'heure du marché, une Toyota des « douaniers » s'est arrêtée en crachant un grand jet de fumée noirâtre, lourde et huileuse. La camionnette de transport collectif a chargé ses passagers, au milieu d'un égout à ciel ouvert. L'eau puante dessinait des vagues qui venaient clapoter au pied des chaises des vendeuses de fruits. Une femme enceinte traversait la rue en gravissant une montagne d'ordures d'un pas mécanique. Quand la Toyota la renversa. On pouvait lire sur le flanc du véhicule une inscription peinte en lettres majuscules, comme il y en a sur tous les véhicules des hommes en uniformes au Tchad. Celui qui vient de renverser la pauvre femme-là disait une chose terrible : « Unité-Travail-Progrès ».

Quelques minutes plus tard, la tornade tombe, un mur liquide s'abat sur une autre famille. Aussitôt, le fleuve Chari devint marron sur des kilomètres carrés, de la
couleur de la terre tchadienne qui s'en va, érodée, lessivée à raison de milliers de tonnes par an. L'eau du ciel tropical devrait enrichir le pays ; elle ne fait que participer à son pillage. Les tchadiens aiment pourtant ces heures de déluge ; elles ont le pouvoir de chasser les « soldats » tchadiens vers leurs casernes pendant un temps. Ces heures, au moins, on ne tuera pas dans les rues.

On a écrasé, un à un, tous les foyers résistants de la pensée. Il ne reste désormais que le silence et l'assassinat. De l'autre côté, des gaillards, opposants me direz-vous se lynchent sans merci sur la place publique oubliant l'adversaire qu'ils sont censés combattre. Loin du champ de bataille ou les jeunes soldats intrépides qui n'ont jamais mangé à leur faim depuis plusieurs années se battent ; ses jeunes livrés aux intempéries, attendent sans sommeil l'ordre de leurs chefs respectifs pour prendre la route, celle de la victoire « finale » si l'égoïsme
personnel des chefs ne les refoule de nouveau de la capitale. Tout cela, c'est aussi la beauté du Tchad, un pays avec ses montagnes, ses héros, ses docteurs, ses officiers sans promotionnaires et ses voyous.

Après la longue succession de malheurs et de tragédies qu'a subie le pays durant ces dernières décennies, c'est bien irresponsable de la part de l'opposition de vouloir empirer la crise jusque vers l'abîme. Étant l'un des pays les plus pauvres et démunis du monde, avec un très haut taux d'analphabétisme, d'érosion écologique, d'hémorragie, de malnutrition et de mortalité infantile, tout
projet politique sérieux pour le Tchad se donnerait comme priorité la solution de ces problèmes. Mais que voit-on ? L'endurcissement des réflexes tribaux, l'amplification des passions dogmatiques, et l'engloutissement quotidien dans la barbarie.

Face à une telle impasse, notre proposition est que les sites tchadiens choisissent la résignation face aux articles, communiqués et réactions venant d'une tranche d'hommes qui se plaisent bien de leur situation d'exil et qui font un travail de sape pour détourner notre attention des vrais problèmes de notre pays.

Nous en appelons aux leaders de l'opposition politico-armés, dans la bonne foi et l'esprit civique, de faire des propositions de réconciliation entre les tendances qui indiqueront ou impliqueront qu'elles reconnaissent la légitimité de notre combat. Les deux camps que nous connaissons tous peuvent trouver un compromis en dehors de la place publique.

Comme nous le disions plus haut, la crise entre les deux camps fait plus de mal à l'opposition dans son
ensemble et ne va pas simplement disparaître sans l'action décisive des protagonistes. Il faut choisir entre plusieurs additionnelles années de crise, avec tout ce que cela implique en termes d'enfoncement du pays dans la misère, et une solution démocratique qui renforcerait les différentes formes de l'opposition, donnant ainsi à l'ensemble de l'opposition une nouvelle chance de l'union.

Nous sommes de ceux qui croient encore que l'opposition tchadienne a grand besoin d'une union.

C'est un grand honneur pour l'opposition tchadienne d'avoir connu une pléthore de héros dans sa riche histoire, certains astucieux et géniaux, d'autres magnanimes et braves, dont les prouesses guerrières avaient tant impressionné la jeunesse tchadienne. Cependant, ce dont cette opposition a peut-être le plus grand besoin aujourd'hui, c'est un nouvel héroïsme basé, non sur le lynchage médiatique et les manifestations de soutiens des belligérants, mais sur la construction d'une opposition disciplinée et responsable, avec ses caractéristiques propres bien sûr, mais aussi ouverte au dialogue pour la paix.

Combien de semaines restent-elles pour arriver au pouvoir ou le partager avec Idriss Deby après un forum national ? Combien d'écoles qui seront bâties, de cliniques et d'hôpitaux qui fonctionneront, de sans-
abris qui trouveront une place pour vivre ou comment faire pour que nos vaillants soldats trouvent du boulot une fois au pays?

Le succès d'une opposition responsable sera fonction de sa capacité à répondre aux questions plus haut citées. Le plus rapidement qu'elle résoudra cette présente pseudo-crise, le plus de temps qu'elle aura pour consacrer aux choses sérieuses. Sa popularité lui servira beaucoup, c'est certain. Mais c'est une épée à double tranchant. Elle lui procurera assez de
latitude pour prendre des décisions difficiles dans les moments difficiles, mais elle lui causerait également sa perte s'il trahissait la confiance du peuple et ses aspirations au changement.

En fin de compte, ce ne sera pas d'une initiative du gouvernement que viendra le changement de
société tant souhaité, mais de la praxis collective de toute la société civile tchadienne. Il viendra de l'émergence de tout une nouvelle classe d'hommes et de femmes pour qui la fonction publique est importante non pas comme vaches à lait pour leur vanité personnelle, mais comme une noble vocation pour la défense du beau, du vrai, du bien et du juste.

Espérons que tel sera le crédo de la nouvelle coalition, une nouvelle coalition qui en a assez des querelles stériles au sein de son rang , car les besoins demeurent pressants tandis que les idéaux et les enjeux demeurent les mêmes, malgré la trahison de plus d'un, malgré le passage du temps et de l'histoire.

Félix Ngoussou
Tchadforum.com
nguessemono@yahoo.com
Partager cet article
Repost0

commentaires