Élu dimanche par acclamation par le Conseil national de transition qui donne un vernis institutionnel à sa prise de pouvoir par les armes, Djotodia a, du moins dans les paroles, donné jusqu’ici tous les gages attendus par la communauté internationale, s’engageant notamment à remettre le pouvoir dans 18 mois et promettant un État laïc respectueux de toutes les ethnies et religions.

Né en 1949 — on ignore sa date de naissance exacte- dans la Vakaga, la préfecture la plus au nord-est de la Centrafrique, à la frontière du Tchad, ce personnage énigmatique est passé de la fonction publique à la rébellion et a vécu longtemps à l’étranger, notamment en URSS (Union des républiques socialistes soviétiques). «C’est quelqu’un de déterminé. Quand il a décidé quelque chose, il va jusqu’au bout. Quand il donne sa parole, il la tient  », assure, sous couvert de l’anonymat, un rebelle qui l’a fréquenté pendant de nombreuses années. «Cette qualité est aussi son défaut : il peut se montrer rigide et n’accepte souvent pas qu’on le contrarie quand il a décidé  ».

Michel Am-Nondroko Djotodia a été formé à l’école soviétique, passant 14 ans dans ce qui était alors l’URSS. À son retour au pays, lui qui a connu la planification communiste, travaille comme fonctionnaire au ministère du Plan, avant de passer aux Affaires étrangères. Il demande ensuite à être nommé consul de Centrafrique à Nyala au Soudan.

Levy Yakété, un des zélateurs du régime de François Bozizé, soutient que Djotodia faisait partie d’une association d’intellectuels favorables à Bozizé et que c’est grâce à lui qu’il avait obtenu sa nomination à Nyala. «Il devait déjà avoir une idée derrière la tête  », a affirmé Yakété à la presse étrangère, en janvier, sans donner d’autre explication. De nombreux interlocuteurs l’appelaient encore récemment «excellence  » en raison de ce titre de consul.

« Aspirations politiques immenses  »

Louisa Lombard, anthropologue, et spécialiste du nord de la Centrafrique, assure que dans cette région, Djotodia est connu «comme un type un peu intellectuel  » et aux «aspirations politiques immenses  ». ll avait «essayé deux fois de devenir député de Vakaga, mais avait échoué  », a souligné Mme Lombard sur RFI. En 2005, Djotodia passe en rébellion et est un des membres fondateurs de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), fusion de plusieurs petits groupes.

Selon Louise Lombard, c’est à Nyala qu’il avait «fait la connaissance des rebelles tchadiens et d’autres hommes armés de la région et c’est avec leur assistance qu’il est devenu l’un des leaders de l’UFDR  ».Toutefois, en 2007, il part en exil au Bénin avec Abakar Sabone, le fondateur du Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ), mouvement qui a signé les accords de paix de 2008 avec Bozizé. Arrêté par les autorités béninoises, il passe plusieurs semaines en prison.

Pendant cet exil, il perd le contrôle de l’UFDR au profit de de Damane Zakaria qui signe lui aussi les accords de paix. Mais, de retour au pays, entre 2011 et 2012, Djotodia réussit à rallier ses anciens partisans et fonde le Séléka («alliance  », en langue nationale sango) en juin 2012. Moins d’un ans plus tard, il est le nouveau président centrafricain.

Le Séléka s’est montré maître en stratégie et en communication. Se présentant pour les négociations à Libreville en janvier en situation de force, avec un Djotodia habillé en tenue de camouflage. Ou effrayant parfois les forces armées centrafricaines pour les balayer sans même avoir à combattre.

Après s’être autoproclamé président, Djotodia, en acceptant les recommandations du sommet des chefs d’Etat de N’Djamena, a su mener sa barque pour pouvoir être reconnu par la communauté internationale. L’avenir dira, s’il tiendre parole ou s’il cherchera, comme son prédecesseur François Bozizé, arrivé lui aussi par les armes, à se maintenir une fois la période de transition terminée.