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Tchad, Berceau De L'humanité

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10 septembre 2010 5 10 /09 /septembre /2010 23:59

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Le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun est, ce soir 21 heures), l'invité de l'Atalante. La salle bayonnaise projette en avant-première « Un homme qui crie », son film récompensé du Prix du jury, lors du dernier festival de Cannes. Le long-métrage décrit l'histoire terrible d'un père et son fils, employés d'un hôtel, pris dans la guerre civile. L'histoire des Hommes dans la guerre.

« Sud Ouest ». Vous avez connu la guerre civile au Tchad et l'exode vers le Cameroun décrit dans le film fut le vôtre…

Mahamat-Saleh Haroun. C'est vrai. Le fleuve Logone qui fait la frontière entre les deux pays est le chemin que suivent les gens qui sont pris au piège de la guerre. Le chemin de ceux qui ont peur et fuient. J'étais ado, à l'époque. Nous avons fui en pirogue. Aujourd'hui, il existe un pont entre N'Djamena (Tchad, NDLR) et Kousseri (Cameroun).

Portez-vous encore la guerre en vous ?

On la porte toujours. La guerre m'a jeté sur les routes, ça a fait de moi un exilé. J'ai été, comme tant d'autres, arraché à ma terre, projeté dans une vie que je n'ai pas choisie. La guerre a fait de moi un errant. On porte toujours ça, car il y a une forme d'instabilité qui vous hante. Des choses qui sont là, d'autres qui reviennent. Des fantômes. Des choses qui vous déterminent. Je suis marqué par ça. Quand on a vu des morts, des gens abattus devant soi, on n'en sort pas. On ne peut jamais s'échapper de ça.

Vous vivez en France, mais êtes revenu tourner des films en pleine guerre civile. Un retour dans « le piège » ?

Je me suis senti pris au piège la première fois. Cette barbarie m'a vaincu et fait de moi un errant. Maintenant, je résiste contre ça et je fais des films. C'est une façon de refuser de mourir une seconde fois.

Dans votre film, le père et le fils travaillent au bord de la piscine d'un hôtel. Ce havre de calme dans la guerre finit par basculer…

La guerre est comme une inondation qui contamine peu à peu tous les espaces. Il n'y en a aucun qui lui échappe. L'harmonie, le cocon de la piscine, calme et stable, finissent par être pollués. La guerre finit par tout polluer. L'espace public, l'espace privé. Elle nous met dans une situation de bétail.

Dans votre film, le père se résout à « vendre » son fils à l'armée. Traitez-vous de ce que les circonstances font ou révèlent de nous ? La détermination par l'Histoire et ici, la violence ?

Le film dit comment le contexte peut complètement nous façonner. On se révèle à soi-même, dans un contexte où on ne peut plus rien faire. La tragédie de la guerre civile, c'est qu'elle n'a pas de code, elle est totalement amorale. La question devant ce père est : qu'aurions-nous fait à sa place ? Cela nous ramène à la petite destinée de l'homme devant les choses beaucoup plus grandes que lui.

Il y a Dieu, introuvable dans la guerre. Vos personnages lui en veulent, en doutent…

L'homme est dans cette position verticale, coincé entre la terre et le Ciel. Le contexte que nous évoquions, qui révèle nos abîmes, notre capacité à faire ce que l'on ne soupçonnait pas dans le mal, nous conduit à la question spirituelle. On s'interroge sur l'existence de Dieu. Comme les personnages du film, on est dans l'attente de sa réponse qui ne vient pas. L'Homme découvre l'absurdité de sa vie sur terre. Le drame de ce père est qu'il prend conscience que toute parole, tout cri est vain. Personne ne l'entend.

Comme le cri de l'Afrique…

Oui, c'est aussi le cri de l'Afrique et du Sud en général. De tous ces gens qui souffrent dans une indifférence totale. On le voit avec les inondations au Pakistan, qui n'ont mobilisé qu'une faible solidarité internationale. C'est la non-proximité. C'est l'absence d'attention à autrui aussi, que l'on peut étendre à la France. Il est question d'une forme de survie, d'un désarroi avec lequel l'égoïsme grandit.

Décrivez-vous ici la victoire du capitalisme ? Vous en faites en tout cas une critique implicite avec l'hôtel qui licencie ou déclasse…

La plus grande victoire du capitalisme est d'avoir intégré dans la tête des gens qu'un homme ou une femme n'est rien sans son travail. Ce sont les catégories sociales qui valent et font la valeur. À côté du travail, ou sans lui, il y a une invisibilité sociale. Les suicides à France Télécom c'est aussi l'histoire de gens aliénés par le travail, qui ne pouvaient pas se libérer du mal être, car ils ne pouvaient pas se libérer de leur travail. Il y a cette dimension avec le père déclassé par la direction de l'hôtel.

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