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Tchad, Berceau De L'humanité

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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 13:03
tchad-gouvernement-de-40.gifLe droit consacre que “nul n’est au-dessus de la loi” et la Constitution tchadienne précise que “tous les Tchadiens sont égaux”. Malheureusement, devant des délits identiques, certains semblent plus protégés que les citoyens ordinaires à cause des considérations politiques, à l’image des membres du gouvernement jamais condamnés même s’ils sont cités dans des cas graves de malversations.


L’article 173 de la Constitution tchadienne, inspirée de la Constitution française, stipule que les membres du gouvernement et leurs complices sont poursuivis devant la Haute Cour de justice en cas de haute trahison. Constitue un crime de haute trahison, tout acte portant atteinte à la forme républicaine, à l’unicité et à la laïcité de l’Etat, à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité du territoire. Sont assimilés à la haute trahison, les violations graves et caractérisées des droits de l’homme, le détournement des fonds publics, la corruption, la concussion, le trafic de drogues et l’introduction des déchets toxiques ou dangereux en vue de leur transit, leur dépôt ou leur stockage sur le territoire national.

 

Confusion dans la qualification des délits tout à fait identiques

Selon l’esprit du législateur tchadien, la responsabilité des ministres et de leurs complices sera engagée si ces infractions sont commises dans l’exercice de leurs fonctions. Seuls sont concernés les forfaits qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l’Etat. Lorsqu’un ministre aura commis une faute pénale avérée, le législateur a aussi prévu une procédure dérogatoire pour sa mise en accusation. Ces garde-fous juridiques ont pour seul but de protéger les membres du gouvernement contre les attaques judiciaires qui mettront en péril l’exercice de leurs fonctions au service de la collectivité.

 

En revanche, ajoute la loi fondamentale, si ces délits sont commis en dehors de l’exercice de leurs fonctions, "les membres du gouvernement sont pénalement responsables de leurs actes devant la juridiction de droit commun" au même titre que n’importe quel autre citoyen. Même si ces règles constitutionnelles établissent le mécanisme de mise en jeu de la responsabilité pénale des ministres, il s’avère qu’en réalité, sa mise en œuvre est pratiquement illusoire. Cela, à cause de plusieurs facteurs.

 

Les délits de détournement de fonds publics, de corruption, de concussion, de trafic de drogues relèvent normalement du droit commun. Mais leur assimilation aux infractions politiques rend quasi impossible la poursuite des ministres qui jouissent d’une impunité en cas de malversation liée à la gestion des biens de l’Etat. Le milieu judiciaire considère l’atteinte à la forme républicaine, à l’unicité et à la laïcité de l’Etat, à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité du territoire comme des infractions politiques.

 

Les membres du gouvernement gèrent des crédits alloués par la loi de finances à leur ministère ou des fonds de projets logés dans leurs services ; ils bénéficient également dans le cadre de leurs fonctions de dotations en matériels, véhicules, par exemple. Ils détiennent donc une autorité qui leur permet de prendre des décisions importantes concernant la gestion de ces ressources. D’ailleurs, l’engagement et la liquidation des dépenses s’opèrent sous la haute responsabilité des ministres, selon l’ordonnance n°21/F du 28 juin 1962 déterminant la responsabilité de gestion des crédits budgétaires.

 

Des démarches procédurales trop longues et incertaines

Cependant, la gestion des crédits est soumise aux contrôles de la chambre des comptes de la Cour suprême et du ministère de l’Assainissement public et de la Promotion de la Bonne Gouvernance. Ces instituions vérifient la régularité, l’efficacité des opérations des dépenses, contrôlent les recouvrements des recettes réalisées dans le cadre du budget général de l’Etat sur les registres de comptabilité publique et s’assurent à partir de l’examen de ces documents du bon emploi de ces crédits. C’est un contrôle à postériori entièrement indépendant. Parfois, en cas de détournement des deniers publics, le dossier est transmis au Procureur de la République (PR) près la Cour suprême. Le PR représente le ministère public, habilité à poursuivre les délinquants au nom de l’Etat. Pour ce faire, il saisit le juge d’instruction chargé d’investiguer pour établir la responsabilité.

 

Si un agent fautif prouve qu’il a agi sur un ordre écrit de son supérieur hiérarchique, le ministre par exemple, le juge instructeur se déclare incompétent pour poursuivre le ministre. Car, les membres du gouvernement et leurs complices sont jugés par la Haute Cour de Justice. Leur mise en accusation est décidée par l’Assemblée nationale, rapporte un magistrat qui relève, par ailleurs, que nombre de dossiers dans lesquels sont citées les hautes autorités, sont classés sans suite. Pourtant, le ministre étant l’ordonnateur des dépenses, doit être poursuivi en même temps que le gestionnaire de fonds publics, poursuit l’interlocuteur. Il s’insurge contre le législateur qui protège ainsi les prédateurs des ressources de l’Etat. "Est-ce qu’on a besoin d’une quelconque autorisation pour juger par exemple un trafiquant de drogues ? ", s’interroge-t-il.

 

Cependant, dans certains cas, sur la demande du PR, l’Assemblée nationale met en accusation des ministres. Le cas des membres du gouvernement impliqués dans le marché public des livres scolaires illustre bien cette assertion. Mais l’examen de cette demande de mise en accusation par le Parlement prend beaucoup de temps.

 

Des exemples fort édifiants pour les Tchadiens

Généralement l’Assemblée nationale met en place une commission parlementaire chargée d’enquêter sur les faits soulevés. A l’issue de cette enquête, la commission produit un rapport qu’elle présente à la plénière. Selon l’article 175 de la Constitution, la mise en accusation des membres du gouvernement est votée au scrutin secret, à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale. Or, ce travail d’investigation ne relève pas des élus du peuple qui se substituent au juge. Normalement, les députés doivent apprécier les faits recensés pour retenir ou non les charges pesant sur les prévenus. Cette lenteur observée pour la mise en accusation conduit à une mauvaise administration de la justice, éludant ainsi les droits de l’Etat et de la défense, éclaire un magistrat.

 

Les prévenus contre lesquels les charges sont retenues sont renvoyés devant la Haute cour de justice. Cependant, depuis l’adoption de la Constitution du 31 mars 1996 qui a institué cette haute juridiction, aucun ministre poursuivi n’a encore été condamné. Par exemple, la procédure de poursuite engagée contre l’ex-ministre de l’Education nationale, le ministre Secrétaire général du gouvernement et le secrétaire d’Etat aux Finances chargé du Budget, cités dans le détournement du marché public des livres scolaires et incarcérés pour corruption a abouti à leur libération. L’on sait, par ailleurs, que certains membres du gouvernement ont été relevés de leurs fonctions sans aucun procès. Ont-ils commis un crime de haute trahison ? De toute façon, les ministres sont ainsi immunisés du fait de leur qualité et en raison de leurs fonctions. A telle enseigne qu’à chaque fois qu’une affaire éclabousse un ministre, l’opinion publique n’est nullement émue.

 

Revoir le dispositif législatif

Or, dans un Etat de droit, chacun doit rendre compte des infractions qu’il commet devant la justice étatique. Nul n’est au-dessus de la loi. Cette maxime s’applique aussi bien au citoyen ordinaire qu’aux gouvernants. Les pouvoirs publics, garants du respect des lois, doivent veiller également au respect du principe d’égalité des citoyens devant la loi. Cela passe par, soit la révision de l’article 173 de la Constitution pour délimiter très précisément des infractions politiques des délits, soit créer comme en France une Cour spéciale pour juger les ministres. Depuis la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, en France, un particulier peut déclencher les poursuites devant la Cour de Justice de la République contre un ministre. Les requêtes sont examinées par une commission composée de magistrats professionnels, et sont ensuite soit classées, soit transmises au Procureur général près la Cour de Cassation pour saisir la Cour de justice de la République.

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