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Tchad, Berceau De L'humanité

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25 novembre 2008 2 25 /11 /novembre /2008 16:05

La rébellion semble matée à N’djamena, mais les problèmes du Tchad sont-ils résolus pour autant ? Nous l’avons demandé à Maurice Hel Bongo, un des chefs historiques de l’opposition démocratique.


La Conférence Nationale Souveraine de 1993 a été la tentative la plus significative de démocratiser le Tchad depuis l’indépendance. Mais l’éléphant a accouché d’une souris et Maurice Hel Bongo n’a pas été autorisé à se présenter aux élections présidentielles de 1996, qui ont été
remportées par Idriss Déby, encore au pouvoir. Depuis lors, cet ancien fonctionnaire international réside en Suisse, d’où il garde un contact étroit avec le pays. Connaissant personnellement certains des rebelles, il nous confie ses craintes de voir le pays démembré entre de puissants voisins et accuse en tout cas Idriss Déby d’être directement responsable de l’aggravation de la situation au Darfour.

 

InfoSud : Qui sont les rebelles qui ont pris d’assaut N’djamena et que veulent-ils ?

 

Maurice Hel Bongo : Il s’agit de Mahmat Nouri, de Timan Erdimi et d’un certain Abdelwahid que je ne connais pas personnellement. Mahmat Nouri a été ministre de l’ancien président Hissène Habré et d’Idriss Déby et il est très connu au pays, car lors de la guerre civile de 1979 il n’hésitait pas à tirer sur les cadres sudistes qu’il rencontrait. C’est un Goran - la même ethnie que Hissène Habré – et il est en même temps le beau-frère de Idriss Déby. Quant à Erdimi, c’est le neveu de Déby. Il a été longtemps son directeur de cabinet et a inspiré sa politique pendant des années. Je doute qu’avec ce passé ils puissent devenir subitement des démocrates. Ce qu’ils veulent surtout, c’est le pouvoir et l’argent. Et depuis que le Tchad est devenu un pays pétrolier, il y beaucoup d’argent. Déby n’a aucun souci de promouvoir une politique de développement, il veut juste se remplir les poches et celles de son clan. Et il n’a jamais respecté aucun accord de paix.

 

InfoSud : La transition démocratique est-elle impossible au Tchad ?

 

Maurice Hel Bongo : Elle est possible, mais pas avec Déby ! Pendant la Conférence Nationale en 1993, qui a duré trois mois, nous avons fait un excellent travail, mais comme nous voulions la démocratie, Déby a tenté d’y mettre fin. Car il se rendait bien compte du fait patent que tous les Tchadiens - du Sud et du Nord - se passionnaient pour nos délibérations. Même les nomades, sur leurs chameaux, étaient collés à leurs postes de radio ! On a parlé de trois mois de fête démocratique. Comme Déby n’a pas pu bloquer les travaux, pour se venger il a déclenché une guerre atroce au Sud. Malgré cela, je garde espoir qu’on pourra appliquer nos recommandations tôt ou tard, même si tous les principaux leaders de l’opposition démocratique – qui ont toujours refusé de prendre le pouvoir par les armes - ont été arrêtés.

 

InfoSud : Quel rôle joue le Soudan ?

 

Maurice Hel Bongo : Comme au Soudan, le Nord du Tchad est musulman et le Sud chrétien et animiste. Or, depuis l’indépendance du Tchad, nos frères nordistes ont déformé les problèmes politiques en les présentant comme des clivages ethniques et religieux. J’ai toujours dit que c’était un faux problème, mais les cadres du Nord sont allés au Soudan et dans les autres pays arabes pour dire que les problèmes du Tchad étaient d’ordre religieux. Le Soudan a une forte influence sur le Tchad et c’est encore pire aujourd’hui, avec le régime raciste au pouvoir à Khartoum.

 

InfoSud : Le conflit du Darfour risque-t-il de s’étendre à toute la région ?

 

Maurice Hel Bongo : Dès que Khartoum a fait la paix avec les rebelles du Sud, il s’est empressé de se tourner vers le Darfour – dont les habitants sont aussi musulmans, mais noirs. Idriss Déby a contribué à attiser le conflit au Darfour. Il est de l’ethnie Zagawa, qui vit à la frontière entre le Tchad et le Soudan et au Darfour. Cette ethnie a toujours été négligée par Khartoum. Avant de prendre le pouvoir à N’djamena, Déby a promis d’aider les Zagawa du Darfour, s’il devenait président et des rumeurs insistantes - mais que je ne peux pas vérifier - affirment même qu’il leur aurait promis de bâtir un royaume Zagawa au Darfour. C’est lui qui monte ces gens contre Khartoum.

 

InfoSud : Voulez-vous dire que tout se passerait bien entre Khartoum et les Zagawa du Soudan sans Idriss Déby ?

 

Maurice Hel Bongo : Non, pas du tout, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Une chose est certaine, c’est que cette région du Darfour a toujours été négligée par Karthoum avant l’arrivée d’Idriss Déby au pouvoir. Ceci suppose que tôt ou tard il y aurait eu des problèmes, même sans Déby.

 

InfoSud : Quel rôle joue – ou devrait jouer – la France ?

 

Maurice Hel Bongo : Le rôle de la France a toujours été très négatif. Je parle du gouvernement et non du peuple français et même le parlement ne sait pas bien ce qui se passe. A l’Elysée il y a une cellule qui gère les affaires africaines de façon très opaque. La France ne veut pas de gouvernements démocratiques en Afrique, elle préfère des dirigeants corrompus.

 

InfoSud : Même aujourd’hui ?

 

Maurice Hel Bongo : Bien sûr, sinon pourquoi le gouvernement français soutiendrait-il Déby ? Voyez le cas de deux pays voisins : quand Patasse (ndlr. Président centrafricain de 1993 à 2003, ancien ministre de Jean-Bedel Bokassa) a été élu démocratiquement en République Centrafricaine, la France a imposé François Bozizé, pour pouvoir continuer à sortir librement les diamants du pays. Quand le Congo Brazzaville a élu un président démocrate, le professeur Lissouba, qui voulait partager les revenus pétroliers, la France a tout fait pour déclencher une guerre civile atroce et imposer Sassou Nguesso. Et elle soutient à bras le corps Déby, un despote bien connu.

 

InfoSud : N’est-ce pas prêter à la France un pouvoir, une influence qu’elle n’a plus ?

 

Maurice Hel Bongo : En tout cas elle reste encore très influente, trop influente même en Afrique francophone, qui ressemble fort à une zone encore colonisée.

 

InfoSud : Comment voyez-vous l’avenir de votre pays ?

 

Maurice Hel Bongo : Le problème n’est pas résolu. Les rebelles sont toujours là et ce n’est pas impossible qu’ils reviennent. Et je crains que le désordre ne s’installe au Tchad. Le Sud est complètement marginalisé, il est en proie à une misère noire qui est en train de s’étendre aussi au Nord. Et tous les Tchadiens pourraient être perdants. A terme, le pays pourrait être partagé entre ses puissants voisins : le Cameroun, le Nigéria, la Libye et le Soudan. Je crains que, si cela continue, le Tchad ne perde un jour sa souveraineté.

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