L'Onu a voté dans la nuit une résolution au Conseil de sécurité permettant de prendre "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils. Benghazi est toujours aux mains des insurgés.
Aucune intervention militaire n'est encore à signaler. Le point vendredi 18 mars sur la situation en Libye, plus d'un mois après le début de
l'insurrection.
Sur le plan diplomatique. Les premières frappes militaires contre la Libye auront lieu ce vendredi "dans quelques heures", selon le porte-parole du gouvernement français,
François Baroin, qui a refusé d'en dire plus. La France y participera, a-t-il ajouté. Une opération militaire qui fera suite, au vote dans la nuit d'une résolution, par dix voix sur quinze, du
Conseil de sécurité de l'ONU qui autorise le recours à la force contre le régime de Mouammar Kadhafi. Ce qui ouvre la voie à des frappes aériennes internationales, un mois après le début de la
révolte. La Chine, la Russie, l'Allemagne, le Brésil et l'Inde se sont abstenus. Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle a prévenu qu'aucun soldat allemand ne
participerait à une intervention militaire en Libye, qui comporte des "risques et des dangers considérables".
La résolution autorise "toutes les mesures nécessaires" -c'est-à-dire qu'elle permet toutes les actions militaires, selon le langage diplomatique- pour protéger les civils et imposer un
cessez-le-feu à l'armée libyenne. Elle prévoit aussi une zone d'exclusion aérienne pour empêcher l'aviation du colonel Mouammar Kadhafi de pilonner ses opposants, un renforcement des
sanctions existantes (embargo sur les armes, gel des avoirs du numéro un libyen et de son clan, ouverture d'une procédure devant la Cour pénale internationale (CPI) contre les responsables de
crimes contre l'humanité) et interdiction de vol des compagnies aériennes libyennes. Le Qatar a annoncé qu'il allait participer à l'intervention. Le Canada va fournir six avions de chasse CF-18
pour la mise en œuvre de la résolution, selon des médias canadiens, tandis que le Danemark va demander à son parlement l'autorisation d'envoyer des F-16. La Pologne a proposé d'utiliser ses
avions de transport, mais a exclu une participaton militaire active.
Le président américain Barack Obama a appelé jeudi soir le président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron pour coordonner une stratégie sur la Libye après
la résolution, selon un communiqué de la présidence américaine. L'Union européenne a exprimé son soutien à la résolution onusienne, tandis que l'Otan doit examiner ses conséquences ce
vendredi. Après l'adoption de la résolution, le vice-ministre des Affaires étrangères libyen Khaled Kaaim a indiqué que son pays était prêt à un cessez-le-feu sous condition, tout en estimant
que la décision de l'ONU menaçait son unité.
Dans la soirée, le colonel Kadhafi avait annoncé à la radio que les forces à sa solde allaient attaquer dans la soirée Benghazi pour y déloger les rebelles. "C'est fini (...) Nous arrivons ce
soir!", avait-il lancé. "Préparez-vous à sortir de chez vous dès ce soir. Nous vous trouverons jusque dans vos placards." Un peu plus tard, la chaîne américaine CNN faisait toutefois état
d'un coup de fil d'un des fils du dictateur, Saïf, selon lequel son père avait changé de tactique pour des raisons "humanitaires" et ne voulait plus entrer dans le bastion des insurgés.
Vendredi, l'héritier a réagi sur la chaîne américaine ABC au vote de la résolution: "nous n'avons pas peur", a-t-il dit.
Sur le terrain. Le vote de la résolution cette nuit a aussitôt été salué par les insurgés libyens, parfois munis de drapeaux tricolores, recroquevillés dans leur fief de
Benghazi (est), contre lequel les forces du régime menacent de faire assaut. Pour le moment aucune intervention militaire extérieure n'a été signalée en Libye. D'après l'opposition, le
clan Kadhafi pilonnait vendredi la ville de Misrata, aux mains des belles, située à l'est de Tripoli. Il tentait ainsi de poursuivre sa reconquête, après avoir repris ces derniers jours
plusieurs villes: Ajdabiya, puis Zuwaytinah à 150km de Benghazi.
Sur le plan économique. Selon l'Agence internationale de l'énergie, la production de pétrole libyen, habituellement de 1,6 million de barils par jour, était presque à l'arrêt
ces derniers jours. Total avait affirmé vendredi
que la production pétrolière du pays était passée de 1,4 million à 300.000 barils par jour. La Compagnie pétrolière nationale a lancé dimanche un appel à la reprise du travail affirmant que les
ports pétroliers étaient désormais "sûrs" et "opérationnels" et elle a demandé aux sociétés étrangères de reprendre les exportations de brut. La télévision nationale a précisé que le colonel
Kadhafi "a examiné lors d'une rencontre avec les ambassadeurs de Chine, Inde et Russie la possibilité de charger des compagnies de ces pays
de prendre en charge l'industrie pétrolière de la Libye". "Nous sommes prêts à faire venir des compagnies indiennes et chinoises à la place des firmes occidentales", avait déclaré le dirigeant
libyen, après le départ des compagnies pétrolières étrangères. Les Etats-Unis ont étendu leurs sanctions à 16 entreprises publiques libyennes, dont la compagnie pétrolière nationale. La
dernière cargaison de pétrole à avoir quitté la région pétrolifère de l'Est libyen remonte au 19 février.
Sur le plan humanitaire. Depuis le 15 février, la répression sanglante de l'insurrection a fait au moins des centaines de morts et poussé plus de 250.000 personnes à fuir
le pays. A noter que quatre reporters du New York Times sont portés disparus dans le pays. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a appelé les combattants à
laisser fuir les civils, soulignant le nombre inhabituellement faible de femmes et enfants arrivant aux frontières avec l'Egypte et la Tunisie.
Gel des avoirs. Les autorités britanniques ont gelé pour 12 milliards de livres (13,9 milliards d'euros) d'actifs libyens au Royaume-Uni. Selon les médias britanniques, le colonel Kadhafi
possède environ 20 milliards de livres (23,1 milliards d'euros), principalement à Londres. Le second enfant du colonel libyen, Seif Al-Islam Kadhafi, détient également à Londres une maison
estimée à 10 millions de livres (11,6 millions d'euros).
Divorce franco-libyen. Le clan Kadhafi a déclaré mercredi avoir des éléments prouvant des versements faits à Nicolas Sarkozy pour financer sa campagne électorale. Dans une
interview à la chaîne Euronews, Saïf al Islam demande au président français, qu'il traite de "clown", de "rendre l'argent" et affirme avoir "tous les détails les comptes bancaires, les
documents, et les opérations de transfert." Interrogé par Reuters, l'Elysée a démenti. Alors que la France est le premier pays à reconnaître officiellement le Conseil national de transition libyen, Mouammar Kadhafi n'a pas épargné non plus
Nicolas Sarkozy dans une interview diffusée mardi soir sur la chaîne allemande RTL. "C'est mon ami, mais je crois qu'il est devenu fou. Il souffre d'une maladie psychique. C'est ce que dit son
entourage. Ses collaborateurs disent qu'il souffre d'une maladie psychique", a expliqué le dirigeant libyen, qui avait déjà fait allusion la semaine dernière à "un grave secret" entourant
l'élection du président français en 2007. Récemment, l'agence officielle libyenne Jana a promis de rendre public un "grave secret", affirmant que sa révélation entraînerait la chute du
président français.