La Minurcat, Mission des Nations unies en
république centrafricaine et au Tchad, pliera bagages au plus tard le 31 décembre 2010. Ainsi en a décidé le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) à travers sa
résolution 1923, et conformément à la volonté du gouvernement tchadien. Idriss Déby Itno, chef de l’Etat tchadien, a donc enfin obtenu ce qu’il a toujours réclamé à cor et à cri depuis le début
de l’année. Des raisons supposées ou réelles ont été avancées par ce dernier pour prier les forces militaro-humanitaires onusiennes de débarrasser le plancher.
La plus récurrente est sans doute la suspicion d’espionnage que le sachem tchadien fait planer sur ces missionnaires dont l’utilité n’est pourtant plus à démontrer. Comme l’ a rappelé le
directeur Afrique d’Amnesty international, Ervin van der Borght, ceux-ci ont toujours soutenu la sécurité et la protection des droits de l’homme en restant aux côtés des enfants, des femmes et
des hommes vulnérables. Et ce n’est pas Idriss Déby, censé être le mieux renseigné des Tchadiens eu égard à son statut de président, qui convaincra le dernier de ses compatriotes qu’il ignore
l’existence des milliers de réfugiés à l’Est du pays.
Le président Déby doit avoir de vraies raisons cachées de se débarrasser de la Minurcat, dont il qualifie à tort la mission d’échec. Outre le fait que ce dernier n’a jamais pardonné à cette
force, dont il connaît pourtant la vocation neutre, de n’avoir pas soutenu son armée lors d’une des attaques des rebelles, le premier des Tchadiens semble être un adepte des apparences
trompeuses. Peut-être se sent-il plus en sécurité à la faveur de ses amours officiellement retrouvées avec son voisin soudanais Omar El Béchir, au point de croire toute velléité offensive de la
rébellion annihilée.
Le président tchadien est peut-être aussi à la recherche de symboles marquants, à l’instar de son homologue sénégalais, Abdoulaye Wade, qui a voulu joindre à l’image de la commémoration du
cinquantenaire de la souveraineté de son pays, celle de la levée de la base militaire française, signe d’une véritable indépendance retrouvée. Le pouvoir de N’Djaména voit probablement aussi
dans le départ de la mission onusienne, une façon de montrer aux éventuels investisseurs étrangers que son pays a retrouvé la stabilité nécessaire à des affaires fructueuses. Une indépendance
d’ailleurs en trompe-l’oeil, d’autant que la présence française, elle, n’a jamais été remise en cause par Déby. Puisque les soldats français jouent parfaitement le rôle d’anges gardiens,
pourquoi Déby s’encombrerait-il de forces onusiennes à cheval sur bien des principes ?
Que c’est bien malin, tout cela ! Mais ce à quoi il a sûrement moins réfléchi, c’est que nul analyste, investisseur ou institution n’est dupe au point de se contenter de symboles ou de
bonnes intentions pour entreprendre une action. Certes, le chef de l’Etat du Tchad a pu entraîner son voisin centrafricain, François Bozizé, dans son acharnement contre la Minurcat. Mais ce
dernier avait-il seulement d’autre choix que de soutenir la position de celui qui l’a toujours assisté sur le plan militaire ? C’est pourtant un truisme de dire que la Centrafrique a plus
que jamais besoin d’une force d’interposition impartiale au regard de l’instabilité qui y règne.
Que les autorités tchadiennes soient capables d’assurer seules la sécurité de leurs concitoyens, c’est tout le mal qu’on peut leur souhaiter. Mais en voulant, par faux orgueil, travestir la
triste réalité telle que vécue par des milliers de Tchadiens en vouant aux gémonies tous ceux qui ne cherchent qu’à leur venir en aide, Déby ne fait pas forcément le bon choix.